Extrait du journal

Que Dieu protège le roi ! Cent mille visages confondus, écrasés à l'entrée de l'étroit passage entre la masse des gardes et des murs de bri ques, se fixent sur la seule fenêtre ouverte du palais derrière laquelle invisible, mais présent, le roi Edouard VIII entend chanter pour la première fois en son honneur les premières mesures de l'hymne natio nal qui montent étouffées par les sanglots, puis s'élancent, jaillissent spontanément. Cette vision n'a duré qu'Un ins tant, mais elle demeure-inoubliable. Pour en comprendre le sens secret, il fallait se mêler ce matin à la foule qui rôdait dans les rues voisines dès les premières heures du jour. C'était le silence de cette foule bien plus que ses habits de deuil qui dévoilait une profonde douleur que l'on ne pou vait pas contenir même en ce jour de proclamation. Le ciel est clair, une pâle lumière luit et derrière les arbres du parc les drapeaux flottent ce matin au som met des mâts, mais le pas lent des grenadiers qui s'éloignent au bord des rues, l'arme basse, les drapeaux voilés rappellent à chaque ihstant le défunt. Cependant, les gardes royaux a l'uniforme blanc, à l'armure dorée, sabre au clair, magnifiques sur leur monture noire, précèdent au petit trot le cortège des serviteurs du roi. Les hérauts suivent, les trompettes ferment la marche, leur sonnerie ar gentée retentit au loin. Il faut encore annoncer la proclamation royale en trois endroits. A Trafalgar Square, c'est une marée humaine que ne trou ble aucune rumeur. Mais les plus ha biles savent que les hérauts du roi ne passent guère plus de deux fois par siècle sur ce chemin et ils se sont perchés sur les lions de bronze et tout autour de la statue de Nelson pour entendre la proclamation. Gérard Boutelleau. (Suite page 3, colonnes 3 et 4)...