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Le Figaro, 23 juillet 1883

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Le Figaro
23 juillet 1883


Extrait du journal

Le gouvernement a-t-il "prévu eela, ef^ voudrait-il bien nous dire ce qu'il faudra faire ? Evidemment ce qui se passé crée un •état nouveau... Je n'approuve ni ne cri tique, je demande simplement que l'on réponde à la question qui nous est posée de l'autre côté des frontières. Il est trop facile, dans un petit entre filet, de dire: « M. Thibaudin... ce grand patriote... cette victime de la réaction. » Non, il faut préciser. Il faut résoudre clairement le problème que l'Europe nous pose. . Il y a, dans la presse républicaine, des écrivains indépendants et justement considérés, tels que MM. Weiss, Ranc, Henri Fouquier, Aurélien Scholl, Sarcey, Chapron, Frary... et d'autres encore, qui doivent tenir à honneur de ne pas fuir devant une pareille question. Malheureusement,, je remarque' que les seuls articles faits pour défendre monsieur Thibaudin sont signés.X ou Y, mais que personne ne veut y mettre son nom. , . Le seul qui ait eu un instant le cou rage de parler, M. Aurélien Scholl, mi^ au pied du mur, s'est dérobé comme on fait, quand, après avoir voulu sauver un malheureux, on s'en va en disant : Ma foi tout ça me dégoûte, qu'il aille se faire pendre ailleurs. Voyons, messieurs, répondez aux feuil les d'outre-Rhin. En somme; c'est votre affaire. Du temps du Maréchal, nods cherchions des arguments bons ou mau vais pour défendre le gouvernement, mais nous ne reculions pas. Dites-nous votre pensée. Si vous ap prouvez M. Thibaudin, ayez le courage de l'avouer, sinon, désavouez-le, cela en vaut la peine. Il s'agit de- l'honneur de la France. Seulement, avant de répondre, relisez bien le livre du poète. « J'ai cru apercevoir sur cette sombre mer un point qui m'a paru solide, dit-il. » Ce n'est pas une foi neuve, un culte de nouvelle invention; une pensée con fuse ; c'est un sentiment né avec nous, indépendant des temps, des lieux, et même des religions ; un sentiment fier, inflexible, un instinct d'une incompara ble beauté, qui n'a trouvé que dans les temps modernes un nom digne de lui, mais qui déjà produisait de sublimes grandeurs dans l'antiquité, et la fécon dait comme ces beaux fleuves qui, dans leur source et* leurs premiers détours, n'ont pas encore d'appellation. » Cette foi,'qui me semble rester à tous encore, et régner en souveraine dans les armées, est celle de l'Honneur. »L'homme,au nom d'honneur, sent re muer quelque chose en lui, qui est comme une part de lui-même, et cette se cousse réveille toutes les forces - de son orgueil et de son énergie primitive. » Une fermeté invincible le soutient contre tous et contre lui-même, à cette pensée de veiller sur ce tabernacle pur qui est dans sa poitrine comme un se cond cœur où siégerait un dieu. : » L'honneur, c'est la conscience, mais la conscience exaltée. C'est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu'à la plus pure élévation et jusqu'à la passion la plus ardente. » Pesez ce que vaut parmi nous cette expression populaire, universelle, déci sive et simple cependant : « Donner sa parole d'honneur. » » Voilà que la parole humaine cesse d'être l'expression des idées seulement, elle devient la parole par excellence, la parole sacrée entre toutes les paroles, commè si elle était née avec le premier mot qu'ait dit la langue de l'homme; et comme si, après elle, il n'y avait plus un mot digne d'être prononcé, elle devient la promesse de l'homme à l'homme, bé nie par tous les peuples; elle devient le serment même, parce que vous y ajou tez le mot honneur. » Dès lors, chacun a sa parole et s'y at tache comme à sa vie. Le joueur a la sienne, l'estime sacrée, et la garde; dans lé désordre des passions, elle est donnée, reçue, et toute profane qu'elle est, on la garde saintement. » Cette parole est belle partout et par tout consacrée. Ce principe'que 1km peut croire inné, auquel rien n'oblige que l'assentiment intérieur de tous, n'est-il pas surtout d'une souveraine beauté lorsqu'il est exercé par l'homme de guerre? » La parole qui, trop souvent, n'est qu'un mot pour l'homme de haute poli tique, devient un fait terrible pour l'homme d'armes ; ce que l'un dit légère ment ou avec perfidie, l'autre l'écrit sur la poussière avec son sang, et c'est pour cela qu^il est honoré de tous et par-dessus tous, et que beaucoup doi vent baisser les yeux devant lui. » L'honneur est la pudeur civile I » La honte de manquer de cela est tout pour nous. C'est donc la chose sacrée, que cette chose inexprimable ! » Déchirez cette page, messieurs, si vous défendez M. Thibaudin ! Saint-Genest....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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