Extrait du journal

Il y a déjà longtemps que l'on élève des maisons sans consistance, sans épaisseur, dont le mince profil, si par hasard, il se découpe, isolé contre le ciel, à l'angle d'une rue, effraye. Vous mesurez du re gard les murs : ils sont faits d'une brique, dans sa longueur. Dans ces châteaux de cartes, les hu mains ont enfermé, en piles, en colonnes, leurs lits, leurs tables, leurs armoires et leurs personnes bien dociles. Une alvéole, à chaque étage, tiendra lieu de salle à manger, une autre de sa lon ; tout l'appartement est composé de quatre dés à coudre, dans lesquels une famille se presse ; heureuse encore de les avoir trouvés, ces dés à coudre. Le loyer lui en coûte le tiers ou la moitié de son revenu, un second tiers va au percepteur. Tout le monde est content. Les Français sont devenus les meilleurs payeurs du mohde. Et nos pères qui ont tant crié ! Peu de temps avant la guerre, je me trouvais en compagnie de mon ami Geor ges Ducrocq, gentil poète, sur son balcon, quand il me prit le bras : « Regarde ! » De l'autre côté de -la rue des maçons travaillaient à une grande maison en cons truction. Nous en vîmes deux qui avaient affaire à une pierre de taille grosse com me la moitié d'un piano. Cet énorme far deau, ils le maniaient comme s'il eût été un morceau de sucre. L'objet tournait en tre leurs mains légèrement, gracieuse ment. Même il arriva que l'un des deux compagnons l'abandonna tout entier à l'autre, qui le tint en suspens, tandis que nos cœurs battaient. « Rêvons-nous, me demanda mon ami, ou bien s'il y a des hommes tellement robustes au monde ? » Enfin, les compagnons calèrent leur cube, vérifièrent son aplomb et son alignement, puis l'un d'eux prit un vilebrequin. Nous éclatâmes de rire. La pierre était creuse. Par le trou, au moyen d'un entonnoir, les compagnons versaient un liquide blanc comme le lait. La belle façade ne serait qu'un décor....