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Le Figaro, 24 novembre 1942

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Le Figaro
24 novembre 1942


Extrait du journal

J'aurai fait, en ce qui me concerne, tout le possible, il me semble, pour ne jamais quitter de vue ce dessein. J'ajoute que ce qui m'a par fois retenu au bord de certaines fautes graves, c'est le sen timent que j'allais, y succombant, faire oerdre à mes en fants leur meilleure raison de vivre : la confiance, la con fiance vitale, aussi nécessaire que l'eau, le pain, le sel et l'air respirable—. Je ne voudrais, pour rien au monde, revivre mes années d'enfance., Et pour tant nos parents nous aimaient, ce qui est un- grand bien, et ils souhai taient de nous ren dre heureux. De la rue des Bou lets, je n'ai que deux souvenirs. Je vais les rapporter fidèle ment ici, pour les dévisager, une dernière fois, avant de les laisser retomber dans l'abîme, pour tâcher, une dernière fois, d'en tirer une étincelle, quelque lueur révélatrice. Sur le marbre de la commode, dans la chambre de mes parents, j'aperçus un jour une pièce de dix centimes, un gros sou de bronze. Je commençais de com prendre l'usage et le pouvoir de la mon naie. Je pris la pièce, je me glissai hors de l'appartement et courus chez l'épicière acheter un cornet de bonbons que je man geai tout aussitôt. De retour à la maison, je trouvai ma mère_ le visage soucieux et grave. Elle me tâta les mains, les trouva poisseuses et me dit en me les lavant : — Est-ce toi qui as pris la. pièce de ~ Oui, fis-je tout uniment. Je fus bien étonné de voir alors ma mère marquer de la contrariété et même un peu d'angoisse. Elle murmurait : — C'est très mal. — Mais, repris-je, c'était à nous. — Justement, c'était à nous, ce n'était pas à toi. Et pour acheter des bonbons 1 Elle se leva et fit quelques pas dans la chambre en répétant, le front soucieux : • — Alors, il faut que je lui explique. Qu'elle avait l'air triste et las ! Assu rément, nous étions pauvres ; mais pas au point que la perte d'une pièce de dix centimes fût de quelque importance. Non, non, le tourment de ma mère était d'une autre nature. Elle comprenait que le mo ment était venu, par cette petite circons tance, de m'expliquer les lois élémentai res du. monde, qu'elle ne pouvait plus. attendre ; mais elle avait mille choses qui l'appelaient ailleurs. Il fallait, dans la journée toute pleine de travaux et de soucis, introduire cette leçon qu'elle pen sait donner plus tard, par un jour plus clair et . moins encombré. D'où sa soudai ne agitation. (Voir la suite en page 3)...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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