Extrait du journal

Je ne .sais, quel auteur dramatique écrivait un jour {il plaçait ce mat dans la bouche du « bourgeois » de sa pièce) : « Encourager l'art, je veux bien ; mais .pas lés artistes ! ». Et le mot fit rire. Il fit rire surtout un grand nombre de -bourgeois, désireux d'être pris pour des artistes. Il n'est pourtant pas aussi bête qu'il en a l'air, ce mot-là; et il me reve nait, à l'esprit tout à l'heure, monsieur le maije, deyant le mur où je lisais une grande, affiche blanche que vous venez d'y faire poser. Cette "affiche nous informe qu'à partir de la semaine, prochaine, tous les dimanches ma tin, un des plus éminents sociétaires de la Comédie-Française, assisté d'un de'ses jeu nes camarades, viendra donner gratuitement des leçons de déclamation dans-votre mairie. Voilà une idée généreuse,. certes. Mais vous êtes donc d'avis, monsieur le maire, que nous manquons de comédiennes ét de comé diens ? Vous trouvez le métier si facile et si fructueux qu'il y ait profit pour des jeunes gens à ce qu'on les détourne de celui qu'ils exercent pour" leur suggérer une fois par se maine —, le-dimanche, à dix heures du matin —- l'ambition de se consacrer à celui-là ? Mon sieur le maire, je crois que vous commettez là la plus imprudente des bonnes actions. Car le théâtre n'est pas un métier , comme un autre ; un métier qu'on abandonne ou duquel on se dégoûte dès qu'on se sent im propre à le faire. On peut s'apercevoir qu'on est- mal doué pour le calcul ou le dessin, pour le commerce ou pour la peinture. On ne s'a.përçoit jamais, quand on aime à jouer la comédie, qu'on est un mauvais comédien. Et c'est pourquoi il est dangereux d'inciter des jeunes gens, qui peut-être n-'y pensaient.pas, à l'amour de la comédie... Monsieur-le maire, vos affiches blanches me font peur.; — Sonia....