Extrait du journal
LES JOURS SE SUIVENT QUESTION DE MOTS Il faut avouer que nos inventions ver bales ne sont pas bien plaisantes et que le vocabulaire forgé par le progrès n'ajoute rien à la grâce. Vous avez, sans doute, en tendu le discours de M. Doumergue quand il l'a prononcé et vous avez été ému de la gravité de sa voix et d'une sincérité dont l'expression ne pouvait tromper. L'ayant entendu, il vous a pqru superflu peutêtre de le lire dans les journaux ; mais vous n'avez pas pu ne pas lire les titres qui résumaient l'événement. On y appre nait que M. Doumergue avait été « radio diffusé » ou, plus elliptiquement encore, on nous proposait cette image : « M. Dou mergue devant le micro. » De toutes les inventions qui nous ont surpris depuis quarante ans, la T. S. F. est assurément la plus magique, enfin l'une des plus propres à ravir l'esprit. On a d'abord choisi pour désigner ses éléments un mot qui correspondait bien à l'image poétique qu'on s'en faisait : des ondes. Ces signes, ces voix qui traversaient les espaces, l'impalpable et le solide, il était joli de se les figurer portés par d'invisibles ondes. La science inventive rejoignait ici la poésie. Mais dès que la science cons tructrice s'en est mêlée, les mots ont pris une dureté fâcheuse : « radiodiffusé » ne me rappelle que médiocrement radieux, dont il est pourtant le parent, ni les rayons qu'il porte en lui ; et j'ai l'horreur du mot « micro ». « M. Doumergue devant le micro » me propose, malgré moi, des images désagréables. Micro, est-ce une bête monoculaire, un monstre, la foule sans âme, Caliban sous un autre nom ? Le micro me fait peur... Pourtant, le mot lui-même, microphone, existait au dix-huitième siècle ; mais on ne l'employait pas ou guère. On le tenait à l'écart des bosquets de Watteau et des canapés de Faublas. Il n'a pas eu le temps de devenir soyeux. Le romantisme n'en a pas fait, lui non plus, grand usage : il se chargeait d'enfler sa voix lui-même. Il a fallu la T. S. F. pour lui donner une vie active, mais en l'amputant. La voix est tombée sous la précipitation populaire. Et il nous reste « micro » pour désigner cette bouche mystérieuse, suspendue à un fil, et qui s'ouvre sur l'infini. C'est peu. Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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