Extrait du journal
LES JOURS SE SUIVENT A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU «.-r-. Vous voilà, me dit cet ami... vous rentrez ?... vous avez passé la nuit en che min de fer... Alors, vous n'avez pas lu le Figaro d'hier ? Ne cherchez pas... Vous ni l'avez pas lu... Quand on passe la nuit en chemin de fer, on.n'a jamais In en arrivant le Figaro de la veille. On a reçu, quelques heures avant de partir, le Figaro de l'avantveille et l'on trouve le matin, en arrivant, celui du jour. Une fois, je suis sorti en pyjama à Dijon pour acheter ce numéro que j'allais perdre. C'était absurde : la libraire était fermée et je n'ai pas eu mon numéro. Notez que c'est précisément cette fois-là où Mme de C... a mis au jour deux jumeaux, événemeni qui est infiniment plus rare dans le monde qu'il aie l'est dans ia société moyenne. Je ne t'ai pas su, je ne l'en ai pas félicitée, ni son mari. Cela avait moins d'importance pour notre ami C..., vu qu'il était un peu confus de ces jumeaux, on ne sait pourquoi, peut-être bien parce que précisément ce n'était pas dans lès habitudes mondaines. Mais son épouse en a été très froissée et n'a cessé de dauber sur moi : « Deux jumeaux, di sait-elle ensuite à tout Paris... .Enfin cela compte, il aurait pu nous écrire/... » J'au rais pu lui répliquer que deux jumeaux ne tenaient pas plus de place dans un carnet mondain qu'une seule naissance et que, d'ailleurs, lorsque l'objet vous avait échappé, un ou deux était absolument la même chose. J'aurais pu aussi lui expli quer que c'était la nuit où je rentrais à Paris, qne j'étais descendu'à Dijon, que la libraire y dormait et qu'à Laroche, elle n'était pas encore éveillée, qu'enfin les nuits perdues ne se retrouvaient pas, que c'était une fatalité et qu'en se rapprochant de Paris un numéro du Figaro s'éloignait qu'on ne rattraperait jamais... Mais elle n'aurait rien entendu, croyant qu'on avait parlé de ses jumeaux dans le monde entier et que j'aurais dû en être informé jusque dans mon sleeping... Mais, dites-moi, mon cher, si vous êtes rentré ce matin, vous ne savez pas : c'est une fille... Ce n'est, hélas 1 qu'une fille. J'ai bien fait de vous l'apprendre, car vous auriez pu attendre encore longtemps cet événement et ne plus y croire... Au revoir, à tout à l'heure, au cercle... Ecoutez, je vais tâcher de vous retrouver mon Figaro d'hier, car je suis sûr qu'il y a des personnes disparues que vous deviez connaître et que vous pense riez encore en vie pendant des mois et des mariages que vous n'apprendriez qu'au divorce. Adieu, cher !... » Allons, j'étais bien à Paris... Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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