Extrait du journal

Eneore l'enfant qui jotte SAVOIR A QUOI S'EN TENIR Il sait à. présent, à dix-huit mois qu'il a", ce que c'est que jouer. ." Par exemple, le voilà qui est assis, qui, siège en son divan, comme le Grand Turc, occupé de ses; pensées, - dans la compagnie de Cab-thine. Vous approchez et, le poussant, vous le ren versez, les quatre fers en l'air. Tout parent que vous êtes, et grand, Dieu sait ! jusqu'au lustre, ne croyez pas que vous l'aurez - belle. Ce seront des cris ; et quel œil bien noir ! Le petit homme n'aime pas ces plaisanteries. Mais vous riez. Mais vous prononcez la parole ri tuelle qui est To ! (pour tu tombes). Ah ! c'est bien différent. Vous vouliez jouer. Vous n'êtes pas un être frivole, un songe-creux. Vous jouez. A la bonne heure ! En se, relevant, il vous, sou rit. Son docte regard vous approuve. L'affaire en vaut la peine. Il est votre complice: «To! » Lorsque sa cousine d'Alsace, laquelle est déjà , une grande fille,'est venue le voir fan dernier, il lui était véritablement égal que cette Hélène fût si jolie, blonde aux yeux bleus, avec un doux front bombé. L'heureux hommelet, qui est trop petit ! Elle lui parut l'une de ces vastes figures fugaces que peignent indéfini ment les quatre murs de l'univers. Il a son image gravée, sans doute, en son cerveau, et ne Je sait pas,., ne l'ayant plus revue. Mais la première femme qu'il aimera, quand l.ÇiLtemps seront révolus, lui ressemblera peut-être. De loin, elle lui fait des cadeaux. Elle ne l'oublie point, ni le trouble qu'elle sentit, qui faisait trembler sa menotte sur, 'le bord du chariot, lorsqu'elle le vit pour la première fois, nu comme les anges et beau comme eux, et qui leur riait, en jasant dans une langue incon nue : « Oyé, dit-elle, le petit François. » Ce beau chien, justement, dont je parlais l'autre jour, est un cadeau d'Hélène à François. Vous vous rappelez qu'il en a été saisi. A ce point saisi que désormais tout bien mystérieux, tout apport, tout butin dont l'origine demeure énigmatique est à l'instant attribué à la bienveillan ce, à la providence de cette princesse lointaine. Comme elle est gentille! Et comme elle est'puis sante ! Quelle est cette histoire qu'on lui raconte, d'une cheminée où ce matin sont tombés, par-la grâce d'un vieillard à barbe blanche, prétendent. les uns, ou d'une manière de bébé, assurent les autres, cet ours Martin assis sur une chaise et ce piano un peu trop petit. La chaise est pour François, il Ip voit bien, et l'ours, quand il grogne, la prudence conseille de reculer d'un pas, la fierté de s'avancer pour lui saisir sa grosse tête avec la main. Quant à ce semblantde piano, on essaiera de tirer de sa caisse, au moyen des touches, ou le commencement de la barcarolle d'Hoffmann, ou cette douce ber ceuse de Schubert, que Ton sait aussi-fredon ner, ma, foi, pour incroyable que paraisse la chose. Mais il n'y a qu'une puissance au monde capable de tels bienfaits. Que va-t-on cher cher ? Il l'a reconnue et le prononce avec son emphase ordinaire : « Couzitie Hclla 'mc ». Le merveilleux est bel et bon, lorsqu'il est certain. Dieu n'est pas seulement aimé et cru : il se démontre. J'ai fini. Si c<* sont des vétilles que je vous conte, au lieu de vous entretenir' d'art ou de poésie, comment ferions-nous, vous demanderai-je à mon tour, sans ces petites têtes ? Sans elles, est-ce que tout le genre humain et son ambitieuse histoire auraient un sens ? Le monde est fonction des enfants. Et c'est en jouant qu'ils l'apprennent. Faisons quelquefois comme eux. Eugène Marsan;...