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Le Figaro, 27 mars 1882

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Le Figaro
27 mars 1882


Extrait du journal

Mais quoi donc? Depuis un mo ment, le train ralentit sa marche ; il s'ar rête. Que signifie cette halte en rase campagne, en pleine nuit ? Le général et la baronne se sont éveillés, très inquiets; et le chevalier d'hoaneur, ayant baissé la glace, se penche dans le noir hors delà portière ; et voilà que la lanterne du chef de train, qui courait dânslaneigele long des voitures, s'arrête, s'élève et éclaire tout à coup les moustaches blanches de chat en colère et le bonnet de loutre du général. — Qu'y a-t-jl? Pourquoi cet arrêt? de mande le vieil Horschowitz. — Il y a, monsieur, que nous voilà en détresse pour une heure au moins.., Deux pieds de neige 1 Plus moyen d'a vancer 1.. Les Parisiens se passeront de main de café au lait. — Comment? Une heure à rester ici, par, ce temps !.. Vous savez, les bouillot tes sont froides... -— Que .voulez-vous, monsieur?... On vient de télégraphier à Tonnerre pour avoir une équipe de balayeurs... Mais, je vous le répète, il y en a au moins pour une heure. Et l'homme s'éloigne avec sa lanterne, du côté de la locomotive. — Mais c'est abominable! mais Votre Majesté va prendre un rhume ! glapit la baronne. — En effet, j'ai froid, dit la Reine en frissonnant. Le général comprend que c'est le mo ment d'être héroïque; il saute sur la voie, enfonce dans la neige jusqu'aux genoux et rattrape l'homme à la lan terne. Il lui parle à demi-voix. — Mais, quand ce serait le GrandMogol, je • n'y pourrais rien, répond l'employé. Cependant nous sommes de vant une maison de cantonnier; il doit avoir du feu chez lui... Et si cette dame veut descendre?... Ehl Sabatier?... Une seconde lanterne s'approche. — Allez donc voir si le cantonnier a du feu dans sa maison. Fort heureusement, il en a. Le général est plus heureux que s'il avait gagné une bataille ou terminé la dernière bande de tricot de son fameux couvre-pieds. II revient, au compartiment de la Reine, fait part du résultat de ses démarches, et, un instant après, les trois voyageurs,, tapant des pieds pour faire tomber la neige accumulée sous leurs chaussures, sont dans la salle basse de la maison nette; où le cantonnier, qui vient de les introduire et qui a gardé sa peau de bique, s'agenouille devant la cheminée et jette du bois mort sur les landiers. La Reine, assise devant la flamme joyeuse, a rejeté sa pelisse sur le dossier de sa chaise de paille; elle a ôté ses longs gants de Suède pour se' chauffer les mains, et elle regarde autour d'elle. C'est une chambre de paysan. On marche sur l'aire sèche et raboteuse ; des bottes d'oignons pendent aux pou tres enfumées ; il y a un vieux fusil dq braconnier sur deux clous au dessus de la cheminée et quelques assiettes à fleurs surle buffet. Le général a fait la grimace tout à l'heure en, apercevant, piquées au mur par des épingles, deux images d'Epiïiai : le portrait de M. Thierst orné...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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