Extrait du journal

sainte fille d'atteindre tout à fait ce but. C'est logique jusqu'à l'évidence. On a prononcé le nom de mademoiselle Baron, la jolie Giroflée de la Bicheau bois; je sais bien que mademoiselle Baron a acheté le magnifique château que M. Solar avait adossé aux coteaux de Bougival, entre Odilon Barrot et les derniers sapins des bois de madame Pescalore; cela prouve sans doute une grande économie chez une jeune femme de théâtre, entourée de séductions de toutes sortes, et qui aurait pu être tentée de dilapider ses appointements; certainement on doit lui savoir gré de cet esprit d'ordre ; mais il y a une objection bien simple : Giroflée n'est pas une danseuse, et c'est bien une danseuse qui est désignée au choix de l'Institut; d'ailleurs, Giroflée est suffisamment parée de ses vertus, et tout le monde sait, à la Porte-Saint-Marlin et ailleurs, qu'elle ne veut d'autres récompenses que Je câline de sa consc-'ence et son inaltérable sérénité. Le capitaine Magnan n'est plus mort, les voitures sont libres, le petit jeune homme qui s'appelle Alexandre Du- . mas est parti pour Caprera , on sait les noms des mé daillés du Salon et les chapeaux de femme n'ont plus du tout de brides, ce qui me paraît conforme à la logique. Nous sommes tous mortels sans doute, mais je n'avais ajouté qu'une foi peu robuste à la mort de l'intrépide Marseillais qui tentait de s'ouvrir un chemin à travers l'Afrique centrale un peu pour y porter no3 produits et beaucoup pour satisfaire ses goûts aventureux. Le capitaine Magnan est taillé en athlète, il a soixante ans à peine; c'est sa seconde jeunesse : il y aura en core de beaux jours pour ce marin courageux, qui cherche, sans paix ni trêve, l'occasion de signer des traités de paix avec des chefs nègres en frottant son nez contre celui du puissant monarque. Nous avons été un peu ingrats envers ce Phocéen passionné pour les aventures ; on devait lui fournir des chaloupes et une caravane armée; cela nous aurait coûté peu de chose, et peut-être aurait-il trouvé son chemin à travers l'Afrique centrale. 11 en est temps encore; il vit retiré à Aubagne, rongeant son frein, interrogeant l'espace et rêvant les ex péditions les plus vertigineuses. Oui, depuis hier, les voitures sont libres, et chaque citoyen a le droit d'exploiter le véhicule qui lui convient; mais l'administration aima parens a voulu nous éviter le souci de débattre de gré à gré le prix du transport, c'est la mort du pittoresque et de l'imprévu. Vous partez par le train de cinq heures dix : il est cinq heures moins cinq, vous avisez un calessino jaune citron, avec des petits bouquets de myosotis et des faveurs rouges peints en guirlande, et vous criez au cocher : « A la gare Saint-Lazare ! Ventre à terre. » Le cocher, homme calme et prudent comme tous les cochers, vous demande négligemment combien vous comptez lui offrir pour le trajet et refuse de vous mener si vous ne lui constituez pas une modeste rente de douze cents francs; le papier timbré est prêt, voici la plume et l'encre. Vous discutez ferme, vous allez vous enten dre, vous vous tenez à cinq sous; le temps, qui est de la monnaie, s'enfuit comme un rêve, et vous arrivez juste à temps pour le train de six heures dix. On ne saurait trop remercier l'administration du soin qu'elle prend de nous éviter des transactions qui coûtent à notre amour-propre, sans compter qu'elle supprime les...