Extrait du journal

C'est à peine s'il se rappelait que cinq ans plus tôt, il .avait été, sous le pseudonyme d'Amédée Distau, un des poètes en qui résidait. l'espoir de la jeune littérature. Ses proses hermétiques et ses poèmes abscons lui avaient valu une ipetite célébrité dans les cénacles avancés, et il avait alors foi dans sa destinée. Mais la guerre était arrivée, et ses grands bouleversements. Le poète Distau, devenu le soldat de 2° classe Bonin, avait Cpnnu de rudes heures et traversé des aventures au milieu desquelles s'étaient peu à peu modifiés son esprit et ses 'façons d'envisager l'univers. Un homme nouveau remplaçait le rêveur, avec ;uh grand désir d'activité, de réalisa,tion utile et immédiate; et, un soir, au retour d'une attaque, il s'aperçut sans effroi que le poète était mort en lui. Il résolut de le tuer également aux yeux du monde. Le décès d'un oncle, qui siétait jadis fixé au Maroc, le faisait héirrtîer d'une exploitation où son activité nouvelle trouverait son emploi. Là-bas, ai se marierait, fonderait une famille, et servirait encore son pays de toutes ses ̃forces/vives. Il était sans parents, et ses .anciens amis, dispersés dans la tourmenté ou terrés dans quelque coin, lui apprenaient par leur silence indifférent :que l'amitié cède facilement le pas à l'égoïsme. C'est alors qu'il fit annoncer la !mort du poète Distau, tué à l'ennemi, le. Tout se passa fort bien. Trois lignes dans les journaux, des articles 'nécrologiques dans les revues effeuillèrent parcimonieusement quelques briIbes de laurier.sur cette tombe qui s'ajoutait à tant d'autres, et le poète Amédée Distau fit définitivement place à Paul Bonin....