Extrait du journal
Quand un écrivain illustre nous quitte, chargé d'ans et d'honneurs, il faut bien — c'est la loi de nature — que l'hom mage suprême lui soit rendu par ses cadets. Les uns sont jeunes et les autres encore jeunes, façon polie de dire qu'ils ne le sont plus guère : ils ont cette arrogance de la maturité}, plrçs chagrine et moins excusable que celle de la vraie jeunesse. C'est pourquoi les discours nécrologiques, même respectueux, ont toujours on ne sait quoi de distant qui choque et, surtout, qui peine les déci dément vieux messieurs séparés par très peu d'années de celui qui vient de dis paraître. Ces vieux messieurs ont une tristesse de surcroît, que ne peuvent soupçonner ni ceux qui sont actuellement jeunes, ni ceux qui n'appartiennent ;plus i la jeunesse que par leurs prétentions. 11 leur déplaît de voir entrer au temple de mémoire, avec un pauvre visage usé par les travaux de la vie, celui qu'ils ont connu jadis « charmant, jeune, traî nant tous les cœurs après soi ». Je sais bien qu'il , en a toujours été ainsi. C'est la rançon dérisoire par quoi nous payons le douteux agrément# de vivre jusqu'à un âge avancé. Lorsque l'on a dévoilé, plusieurs années avant la guerre, dans la cour d'une mairie parisienne, une statue de Voltaire ado lescent, personne ne voulait reconnaître l'auteur ds Candide : il est entendu que Houdon seul l'a fait ressemblant, et toute considération d'esthétique mise à part, cela n'est pas flatteur pour Vol taire. La Tour aussi l'a fait ressemblant, et lui a donné un sourire qui n'est pas hideux. Mais, de nos jours, les pàuvres grands hommes que les dieux n'ont pas aimés assez pour les faire mourir jeunes, sont encore plus à plaindre. C'est qu'entre autres mufleries (ce mot plus que jamais indispensable est dans le Dictionnaire de l'Académie), notre siècle a inventé la muflerie photographique. Je n'insiste pas... J'ai à peine besoin de dire, n'est-ce pas ? qu'en écrivant ces lignes, je pense à Paul Bourget. La première fois que son nom a été prononcé devant moi, c'est mon très jeune professeur de philosophie, Victor Brochard, à qui j'avouais mes ambitions littéraires, qui me l'a cité en çxemple ; il venait à peine de débuter, moi, il n'en était pas question, évidemment, et j'étais donc, Dieu merci, jusqu'à nouvel ordre réfractaire à cette vilaine variété de l'envie que l'on appelle le sentiment de la con fraternité. Ma devise de futur homme de lettres aurait pu être tout au plus !e proverbe latin retourné : Hodie tibi, cras mihi. Puis, toujours lycéen, je l'ai ren contré dans ce beau monde qu'il a décrit et dont il était déjà l'enfant gâté, mais où l'on disait de lui, quand il semblait jeter les yeux sur une jeune fille à marier : « 11 n'a aucune situation. » J'étais à Trouville quand il donna l'Irré parable, et ce fut l'événement de la saison; mais la baronne de P,„ disait : « Moi, c'est Gabori&u qui me pince. » Enfin, je lui écrivis : « Mon cher maître », et il paraît que c'était un peu tôt ou que j'étais le premier; car il me remercia de ma déférence. Je ne puis me rappeler que sa figure de ce temps-là, et il me semble que j'ai perdu un frère aîné. Abel Hermant, de l'Académie française....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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