Extrait du journal
par Georges DUHAMEL . " " de l'Académie française. JE suis allé, l'autre jour, escortant un de mes gar çons, entendre une leçon en Sortonne. Cela se -passait "dans" un petit amphithéâtre dissimulé, . pourraifon Croire, au plus secret de la bâtissè. Il faut, pour arriver là, suivre dè longs couloirs et gravir beau coup de marches. Ce n'était pas une de ces leçons inaugurales auxquelles un public mondain prête un éclat artificiel. C'était l'humble trâvâil ordinaire.- Le maître parlait au milieu de ses disciples. A cause .de la guerre, les disciples étaient peu nombreux : quelques jeunes filles, quelques très jeunes hommes, deux ou trois •soldats - permissionnaires^ Le professeur, M. Charles Pérez, décrivait l'anatomie de l'oursin. Par les hautes fenêtres, on'apercevait les toitures de.l'édifice et. le ciel d'hiver. Les bruits de la ville ne parvenaient guère ..dans cette retraite studieuse. J'écoutais la leçon, ' de toutes mes oreilles, car j'ai toujours grand désir d'upprendro. Cependant, je m'abandonnais, à une, méditation qui se développait, en contrepoint, sous les paroles du savant. , Ce savant est un homme . . de grande maturité. Ses fils sont aux armées. Lui, fidèlement, il demeure à son poste. Sa fonction est de connaître. Il remplit* cette fohetion avec une sérénité admirable qui n'exclut certes pas les plus délicats mouvements du cœur. 11 sait que, pour dégager une loi, pour former une pensée féconde, pour saisir, dans l'apparente confusion des faits, le fil délicat de la vérité, les serviteurs de la connaissance doi vent, avec une ardeur infatigable, regarder, observer, contempler et décrire. Pour comprendre le monde, il faut expliquer maintes choses et, par exemple, l'ana tomie de l'oursin. Dans la lumière de ce janvier glaciale le savant se donnait à cette besogne avec une merveil leuse simplicité. Ainsi faisant, il servait très bien la cause de son pays qui se confond — aujourd'hui mieux que jamais (— avec la cause de la civilisation véritable. Ainsi faisant, le savant, délivré de toute : contrainte étrangère à son office, semblait exercer un sacerdoce, célébrer le très noble culte de l'intelligence humaine. Suivant une pente insensible, j'ai songé, soudaine ment, à la lettre que m'adressait, le mois dernier, un autre savant de grand mérite, le botaniste Pierre Allorge. Le professeur Allorge avait assisté à la séance d'ou verture de la session tenue par la Société hotanique allemande, il y a deux ans, dans. la ville de Darmstadt. . Ces visites,, que se font les spécialistes, sont du 'plus haut intérêt pour l'avancement de la science. Elles devraient confirmer la science dans sa généralité humaine ou, ■ si l'on veut, dans son caractère surnacional. Or, M. Pierre Allorge a, pour notre étonnement, raconté la séance de la Société germanique, et cette narration a fait l'objet d'une petite note communiquée, l'automne dernier, à la Société botanique de France. Cette note mérite d'être lue de près. Elle nous apprend que le savant allemand qui présidait la séance, ayant foimulé des souhaits d'heureuse collaboration, s'écria pour conclure : « Je ne puis exprimer ce vœu sans évoquer, avec une véné» ration et une reconnaissance profondes, l'homme dont le génie, la ■ volonté puissante et la • sollici'ude nous garantissent la tranquillité du travail scientifique dans un monde plein d'incertitude et d'insécurité. C'est pour nous, botanistes allemands, un sentiment de béatitude de continuer à édifier les sciences botaniques sous l'égide de celui qui a su, d'une manière créatrice, uni que, développer une nouvelle conception de l'Etat et du monde en partant d'une connaissance biologique de la nature. » Et le narrateur nous apprend que cette harangue... scientifique fut saluée, comme on s'en doute, par le cri de : « Heil Hitler !» (Suite page 3, colonnes 1 et 2)...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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