Extrait du journal

Parmi tant d'hommages qui furent prodigués à Pierre Corneille au cours de ces fêtes où la Comédie représenta, avec un vif éclat, les principaux chefsd'œuvre du maître, un des plus nouveaux fut sans doute çelui de M. DujardinBeaumetz. Le sympathique et très distingué sous-secrétaire d'Etat aux beauxarts proposa aux fidèles du vieux poète un motif de piété inédit il se plut à honorer l'auteur du Cid comme un professeur de vertu civique, stimulant l'énergie, des. patriotes et des volontaires, une sorte de Père de la Révolution. J'entends bien que M. Dujardin-Beaumetz, en incorporant avec une courtoisie un peu brusque lé géant de 1640 aux géants de 93, se préoccupait, à sa manière, de simplifier dans son enthousiasme cordial, il s'exprima surtout comme conservateur suprême du dépôt des marbres, soucieux de mettre de l'ordre parmi les gloires de son département. C'est un des divertissements préférés de ce pays que de contraindre les personnages illustres à prendre parti dans les querelles nées longtemps après leur mort. Ainsi ce vieil aristocrate de Voltaire fut apparenté aux « mortels sensibles » de la Révolution; et chacun sait que Beaumarchais a la situation d'une sorte de conventionnel avant la lettre. Mais ces « entreprises sur l'histoire », comme dit quelque part Corneille lui-même, sont toujours hasardeuses et un peu téméraires.Au mois de décembre 1792, Ducis donnait au théâtre de la rue de Richelieu la première représentation d'Othello. Et un critique qui a, comme M. Dujardin-Beaumetz, le goût des généralisations philosophiques, écrivait « Le succès de cet ouvrage où l'horreur est portée au plus haut degré est un signe certain de l'influence que la Révolution a exercée sur les théâtres. Quel auteur, avant 1789, aurait osé mettre en action l'épouvantable catastrophe de cette tragédie ?. Quoique le public fût familiarisé avec les spectacles les plus horribles, qu'on lui eût mis sous les yeux une femme mourant de faim (1), une novice expirant dans un cachot rempli de cadavres (2), un chef d'assassins se constituant le vengeur de la société (3), quelques spectateurs, qui n'étaient pas encore à la hauteur des circonstances, ne purent retenir l'indignation que leur inspira cet atroce dénouement. »...