Extrait du journal

Voici qu'on regarnit la Malmaison avec les meubles de, Joséphine, et jusqu'avec ces tentures qu'elle avait commandées pour sa chambre peu avant de mourir, et qu'elle n'avait ni posées ni payées. C'est une attention délicate pour les ombres qui continuent d'habiter le château de plaisance, et que^la nudité des murs aev,à'it:eoritr1ister'. Mais la plus heureuse imagination du conservateur est encore d'avoir installé dans le parc, sur une stèle faite d'un tronc d'arbre, cette statue de l'Impératrice drapée à la grecque, qui règne- sur ces lieux déserts, comme une divinité. Ni dans le salon de musique que Gérard et Girodet avaient décoré de scènes d'Ossîan, ni dans la chambre octo'gpne que des glaces ornaient et qui communique par un couloir avec la pelî'te chambre du -Premier Consul,, ni même à l'église de Rueil, où la piété de la reine Hortense collabore avec la paix de la mort pour calmer son souvenir passionné, on n'évoque= mieux Joséphine que d'ans ce jard.in. Il lui faut le plein air et la liberté, cette liberté que limite l'amour invisible à la façon de ces murs envahis par les plantes sauvages ou cachés par les arbres, qui bornent avec discrétion l'enclos historique. On la voit qui sort des appartements pour prendre le pont-leyis flanqué de deux miniatures d'obélisques en marbre rouge elle passe sur les pelouses sans les froisser, avec cette démarche glissante de certaines femmes qui est, à elle seule, 'une caresse pour les yeux et que le vieux- Saint-Simon, peu soucieux de flatterie, a comparée jadis à la marche des déesses sur les nuées; elle gagne les futaies qu'égaient encore les sources, et ce ruisselet qui baigne là-bas, sous un arceau de feuillages, un petit temple à colonnades.. Que va-t-elle chercher, sinon le plaisir de respirer et de se mouvoir agréablement ? 7...