Extrait du journal
l’amour comme une chance prochaine de fortune et de gloire. Us espèrent qu’un soir le concierge leur remettra un billet parfumé d’une grande dame voilée qui les attendra dans sa voiture, leur exprimera son adoration par des dons généreux. Parce que l’aventure s’est quelquefois réalisée, et que des affolées ont en effet offert la forte somme au cabot adoré, il n’est pas un jeune premier qui ne rêve ce roman. C’est pour cela qu’ils roulent sur la salle leurs yeux fureteurs et quêteurs, qu’ils plastronnent, font les beaux, ont des gestes câlins et des mines langoureuses. Us espèrent charmer la dame de leurs rêves, jeune ou vieille, oh ! qu'importe, mais qu’elle soit très riche !... Celles qui se laissent prendre le plus facilement à la magie postiche du beau ténor ou du joli grarfd rôle, ce sont encore les reines d'amour, celles qui vendent leur douce chair à baisers, à sourires. Même à Paris, celles qu’on croit récalcitrantes aux béguins, aux caprices, ont de ces toquades subites, irréfléchies. Je ne veux citer aucune des petites aventures récentes que tout le monde connaît; mais je puis raconter cette invraisemblable chose : une de nos plus renommées amuseuses, détrous seuse de cœurs et mangeuse de fortunes, en quelques mois a distribué plus de deux cents mille francs à un chanteur d’opérette, qui n’est ni très beau, ni très spirituel, ni très amoureux. Ce qui vient du pigeon s'en retourne au poisson ! dit un proverbe sage. On ne peut expliquer que par lui cet accès de folie d’unedame qui s'entend magis tralement à plumer les oisons. En province, beaucoup de comédiens finissent par trouver la médiocrité dorée qu'ils convoitent, en épousant des dames sur le retour, qui ont passé leur jeunesse à donner du plaisir aux officiers de cavalerie, aux rentiers, aux jeunes gens de familles. Chaque jeu de reins aug mentait leur prudente cagnotte. Après la quarantaine, elles ont les cent mille francs de leurs rêves. U faut un mari pour gérer cette fortune : un mari qui ne soit pas seulement un homme d’af faires, mais qui sache aussi faire vibrer toute la sentimentalité concentrée dans le cœur de celle qui n’a dépensé et usé que sa peau. Le cabot est l’époux rêvé : ce n’est pas lui qui gaspillera le magot; puis, pour plus de sûreté, les notaires rédi gent de très prudents contrats... Le Conservatoire est une école incom parable de prostitution. Les jeunes filles et les jeunes hommes qui sortent de cette maison ont appris que le meil leur moyen encore de parvenir, c’est de se faire des rentes aux dépens des gogos de l’amour, en vendant aux hommes de la gorge et de la cuisse, aux femmes du sentiment avec du vice autour. ÇLÉO....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
En savoir plus Données de classification - bullier
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