PRÉCÉDENT

Le Fin de siècle, 2 janvier 1898

SUIVANT

URL invalide

Le Fin de siècle
2 janvier 1898


Extrait du journal

A toi, lectrice amie et inconnue, j’ap porte les voeux que tous nous formons pour que tu restes belle et pour que tu sois heureuse dans tes amours; Et toi, lecteur ami et inconnu, nous faisons pour toi des souhaits aussi ; aime et sois aimé. Nous ne pouvons mieux vous prou ver que nous vous aimons et que nous vous voulons du bien. Bonne année! ■*** Bonne année! Sovez bons, soyez fidèles, ayez du plaisir, vivez comme des dieux. Que votre âme reste pure. Que votre cœur soit épris. Là, c’est le bonheur. Au début de l’an neuf qui vient de naître dans un bouquet de frimas, tout parfumé du baiser des réveillons, encore grisé du chant pagne bu à coupes pleines, lassé des étreintes de l’autre année finie, noussentblons renaître, ou nous éveiller d’un joli songe prometteur, et nous croyons aux amours infiniment belles dans les bras de la maîtresse infiniment aimée. Car nous, les amoureux, nous ne vieillissons pas; les ans s’écoulent sans nous lasser : une année partie, c’est un motif de fête et nous célébrons le nou vel an venu. Mais toi, l’amante de la passion, brune ou blonde, belle toujours, que vas-tu me demander pour tes étrennes? El toi, la splendide courtisane dont j’ai fait mon seul dieu ; toi que j’aime ainsi que le symbole du plaisir; toi à qui j’apporte, en gerbe, toutes mes illu sions et toutes mes reconnaissances, parce que tu es la Beauté, la Grâce, la Magnificence ; toi si riche en fleurs char nelles ; toi si lumineuse et si éblouis sante dans l’irréel orgueil de ta nudité vénusienne; à toi qui mènes la foule de fous et les fous du monde, que te don ner en étrennes? Tu demeures la première entre toutes les femmes. Tu as conquis par la seule grandeur de ton titre de courtisane la place d’une reine. Tu domines. Tu luis comme un astre au-dessus des êtres. Tu fascines, tu réchauffes, tu émeus par la seule force de ton sourire. Tu possèdes tout ce que ta fantaisie a voulu. Il n’est pas un seul de tes caprices qui ne soit d’avance satisfait. Tu vas désirer? on est à genoux, pour te supplier de plaire à ton désir. Tu vas exiger? avant même que tu aies prononcé un mot, tu es obéie. A toi donc, si puissante et si belle, oh! dis-moi, que puis-je t’apporter en étrennes? De l’amour? Mes amours ne t’intéres seraient point et si je te demandais ce que tu en penserais, tu me répon drais ; « Rien. » Des bijoux à faire pâlir un radjah? Tu me montrerais les rubis de tes seins, les saphirs de tes yeux, les perles de ta bouche, et mes trésors ne te feraient aucun plaisir, trop pauvres auprès de tes riches trésors. Des fleurs? Tu n’aimes plus que les fleurs insexuées qui s'épanouissent dans les cavernes des montagnes où seuls les fantômes peuvent entrer, des feux follets au poing. Que t’offrir pour tes étrennes? Tes orgueils sont insensés, tes ambi tions sont réalisées, tes souhaits sont exaucés... Quoi? Je te souhaite un amant, un amant qui t’aimera. A toi. la si belle, dont le cœur cor rompu ne fait plus de vœux, dont les naïvetés se sont émoussées au con tact des viles comédies que t’impose ton métier ou ta royauté, qu’il t’appa raisse, l’amant brutal aux croyances farouches, aux étreintes brisantes et aux baisers déchirants; qu’il sache faire vibrer tes chairs sous l’effort de ses caresses délirantes; qu’il réveille tes sensibilités angoissées afin de pouvoir raviver ton cœur ankylosé, et t’obliger à renaître à la simple candeur que tu as perdue. Je te veux l’amant, ô courtisane, qui sera l’amant de ton choix, pour lui offrir ta luxure, tes appétits sensuels et tout ce que l’on ne t’a jamais acheté ; ta seule nature sans fard et sans mensonge. Et je te le souhaite digne de toi pour qu’il te rende heureuse, pour qu’il crée des rêves charmants autour de ton front redevenu pur comme un front 4 enfant. *• V *** Et toi, lecteur avec lequel nous cau sons, ici, chaque semaine, nous^ nous connaissons, tous les deux ; tu m’as dit...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

En savoir plus
Données de classification
  • réjane
  • sapho
  • brachet
  • renée du bois
  • falstaff
  • marcelle des
  • marcel du
  • paris
  • arton
  • londres
  • paul
  • léon
  • lille
  • quimper
  • donnay
  • montmorency
  • lon
  • mille et une nuits
  • une république
  • maison hanser