Extrait du journal
sa volupté à son orgueil. Elle devine, elle sent, elle juge et ne se trompe jamais. Elle n’est pas un caractère de femme, elle a toutes les nuances du caractère féminin, et s’en sert selon les besoins de son art. Sa voix berce, caresse, endort; elle est le paradis dont elle est toutes les fleurs, et, après y avoir dormi, l’homme ne rêve plus d’autres sommeils. Dernièrement j’ai assisté au spectacle d’une passion naissante chez un de mes amis, grand viveur et escaladeur d’alcô ves, pour une courtisane parisienne des plus intéressantes et des mieux douées. L’exemple de cette passion montrera suffisamment ce que peut une de ces fem mes sur un homme du monde, même blasé sur la vie et sur l’amour. Il la vit pour la première fois dans un rendez-vous mondain où l’on s’adonne aux joies sportives du patinage... tous nos lec teurs connaissentson nom. Sur la glace elle était l’élégance achevée, l’incomparable distinction. Tout de suite il l’aima pour son allure, pour sa mine intelligente et spi rituellement espiègle. Bellement jolie au premier regard, elle lui parut absolument belle quand il eut analysé la finesse et là pureté de ses traits. Tout de suite, elle fut désirée. Le désir et l’amour sont cou sins ; il l’aima ensuite. Il souffrit de la mal connaître, il l’approcha, se présenta et dit ce qu’il ressentait et souhaitait. Après de longs jours de patience et d’at tente, après tous ces doux martyrs des rendez vous manqués, vint l’heure si ar demment appelée où le baiser chante les préludes de la première page d'amour. Voici, autant que je me souviens, comment il me raconta ce coucher du bonheur : — Absolument affolé, ne me compre nant pas, incapable de me ressaisir, t rou illé sans apparente raison, ivre sans avoir bu, je la regardais comme si j’avais été à ma première aventure. Elle jouissait du mystérieux effet de sa valeur, sans en avoir l’air, conservant son sourire, et semant son badinage enjoué pour achever de me rendre fou. Je lui appartenais, je m’en rendais compte ; je devinais que tout à l’heure je serais prêt pour l’es clavage complet. « Durant les baisers dans lesquels s’é panouissaient nos lèvres, avec un art con sommé, elle se dévêtait lentement, me donnant peu à peu, par degrés, l’adorable exquisité de son corps. Chaque voile tombé, comme tombé tout seul, était une révélation ; chaque geste était un motif de plus violent désir ; mes tempes bat taient la générale, mes yeux voyaient comme à travers un brouillard. Et je la regardais/pourtant, sans pouvoir en déta cher mes yeux. Quand elle revint de sa toilette de nuit, parfumée, ses cheveux autour de sa tête, sur ses épaules, sur ses seins, elle ressemblait à une fleur à peine éclose dans un nid de vieil or ciselé. « Et puis, vint le moment radieux. « Jamais je n’eus la sensation de plus sublime joie. Comment, je croyais avoir connu l'amour? J’ignorais le véritable, le grand amour, la belle folie qui emmène à travers tout, par-dessus tout, qui vole, rampe, gémit, chante, rit, rugit, pleure ; va d’extase en extase, sans se lasser, sans reposer, sans regarder derrière; veut encore des sourires et encore des plaintes; s’élève et enfin demeure au faite du ciel atteint, comme un papillon, ivre des senteurs des parterres fleuris où il a traîné ses ailes, va, triomphateur voluptueux, s’endormir sur la plus haute et la plus odorante des roses. » Et tant de bonheur, tant de joie con sommée, tant d’art amoureux lui était donné par une femme de joie ! Depuis cette nuit, toujours heureux, jamais las, il la suit dans son mirage, vit de souvenirs et de réalités, avec l’espoir fatal que l’avenir sera éternellement beau. Pourtant, demain ? quand ? — qui le sait ? — il finira peut-être son rêve par une balle de revolver.... On ne veut plus de la* vie, quand la Courtisane s’est envolée. L’AÏEULE...
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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