Extrait du journal
PREMIER CHASSEUR — Que m’importe — se dit le bon chasseur, qui est toujours philosophe — que m’importe que, durant mon ab sence, ma femme s’ébatte et se pâme en les bras de son amant; qu’ils sacca gent, dans leurs culbutes, le pauvre lit de mes sommeils; qu'en rentrant, au soir, je flaire, parmi les draps, la très subtile odeur des adultères récents? Bien bête serais-je de me chagriner, de vouloir éviter l’inévitable ! Non, non, je ne pleurerai point; je ne reviendrai pas, non plus, à l'iimproviste pour les surprendre, les amoureux, et contem pler ce banal spectacle du monsieur et de la dame qui se démènent à la recher che d’une sensation, qui se vannent, qui crient, qui simulent des spasmes inouïs — pour se faire l'un à l’autre une simple politesse. Pendant qu’ils s’ennuient, las dès la première heure, lourdement assoupis, les cerveaux vides, moi je cours alerte parles champs et les bois; je hume cet air vif qui me rend allègre ; et mon chien, mon chien fidèle, me parle avec ses yeux intelligents, réclame une ca resse, gambade, tout joyeux, quand j’ai frôlé sa tête d’une tape amicale. Va, ma femme, fais-moi cocu, amuse-toi bien, i 3e préfère deux mille fois mon hygié nique promenade à tes acrobaties bouffonnes, à tes danses du ventre, à tes horizontales secousses! Fais-moi cocu, ma femme, fais-moi cocu ! Et quand je rentrerai, lorsque tu viendras, hypocrite et doucereuse, me tendre ton front, me conter que, sans moi, tu passas une méchante journée, je t’embrasserai, ma chère, sans répul sion, sans écœurement, indifférent à ces traîtrises, à ces duplicités qui déso lent les naïfs, ceux qui croient encore à l'amour, à la vertu. Va, ma femme, fais-moi cocu. Je ne t’en voudrai point. C’est la loi commune, je la subis. Mon seul plaisir, désormais, c’est de rêver sous bois, de surprendre les lié— 'Tes et les chevreuils, d’exercer mon adresse contre ces pauvres bêtes, plus propres, plus estimables que l’homme et que la femme, et que nous tuons parce que, dans notre orgueil, nous ne voulons souffrir aucune supériorité... Fais-moi cocu, ma femme, fais-moi cocu ! SECOND CHASSEUR — Ah ! misérables, gueux, scélérats, je vous tiens. Vous ne m’attendiez certes pas. Vous êtes pris, cette fois. ^ pus ne m’échapperez point. Quoi ?... Pitié ! Grâce ! Vous vous roulez à mes genoux. Laissez-moi ! Toi, cochon, que je traitai toujours comme le meilleur de mes amis, tu m'as volé ma femme, tu °i’as broyé U cœur. Tiens, pars,...
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
En savoir plus Données de classification - antinoüs
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