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Le Fin de siècle, 12 septembre 1891

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Le Fin de siècle
12 septembre 1891


Extrait du journal

quin. Nos chairs se convulsent : atten tion ! gare la dégringolade, sotte et burlesque sur le parquet, parmi les den telles fripées, les couvertures arra chées? Et le rire, le rire inévitable qui naît de ces équipées, étouffe, sous ses éclats, le spasme et la caresse... Le ridicule tue surtout l’amour... * ** Puisque les sous-bois nous sont in terdits ; puisque, même en des parcs clos de murs élevés, nous serions sur pris, dans nos amoureuses batailles, par l’œil indiscret de la valetaille, sachons du moins, ô mes jolies, réser ver à nos amours un digne sanctuaire, en nos appartements. Nous choisirons une pièce assez vaste, avec de larges fenêtres. Les tapissiers garniront les murs de lourdes peluches; ils draperont avec art des étoffes du siècle dernier. Un épais tapis d’Orient, hérissé de ces douces laines de Smyrne aux cou leurs si variées qui se fondent et se marient, couvrira entièrement les plan chers. Puis des toisons précieuses seront, çà et là, jetées, de très noires surtout : sur celles-là rayonnent les chairs radieuses, éperdues après la lutte ; et, semble-t-il, de fauves instincts renaissent, de farouches colères s’éveil lent, comme si la bête avait en sa four rure laissé quelque chose de très subtil, qui nous rend la vigueur et la force épuisées. Seul meuble, un très bas divan, du quel, après les préludes accomplis, on puisse insensiblement glisser, sans un froissement, sans une secousse. Puis, au hasard, deux ou trois de ces minus cules tablettes de laques japonaises, où sont disposés les bonbons parfumés, les liqueurs reconstituantes, les vins qui réchauffent !e corps dont la chaleur s’en est allée... Puis, la fantaisie de chacune ornera ce joli temple, selon son caprice. Quel ques bibelots rares, des fleurs, des gla ces de Venise garniront les tentures. Une de ces énormes lampes, élevées sur des merveilles de ferronnerie, qui sont à la mode, et dont la lueur si bien s’atténue sous les soies roses, sous les taffetas bleus, sous les dentelles crème, répandra, selon les moments, une clarté radieuse ou bien ne jettera qu’une lueur mystérieuse et mourante. Que sais-je encore ? C’est à chacune de s’inspirer et de ses goûts et de ses personnelles folies... Oui, la perverse, la vraiment raffinée doit se créer ce sanctuaire, le parfumer délicieusement, édifier enfin un temple digne de sa chair, digne de son amour....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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