Extrait du journal
elle a conquis toute la gloire qui peut revenir aux Voluptueuses. Et elle a davantage encore besoin d’aimer. Tou jours elle ne trouve pas ce qu’elle appelle son idéal; mais elle le cherche sans cesse dans la foule des béguins qu’elle éprouve, et si quelqu’un de ces béguins-là ne lui devient l’amant de son cœur, c’est que le plus souvent elle se trompe sur la bête et que ni le cœur ni le cerveau ne valent ce que la car casse avait promis. Sans doute, le plus souvent, la cour tisane subit toute une vie qui n’est faite que pour la galerie; il lui faut plaire, i’ lui faut imposer sa beauté et le luxe de ses chairs ; mais combien souvent aussi la courtisane vit simplement pour elle, se moquant de tout et de tous, à la recherche du bonheur, d’un pauvre petit peu de bonheur. Elle est sentimen tale, naïve, tendre et bonne; et elle souffre qu’on passe à côté d’elle sans deviner tout ce qu’elle a en soi. Très femme, mais bien douée, elle aimerait vivre comme une primitive l’existence de la rue et celle de la mai son : ici, le triomphe de l’opulence et de la beauté; là, la simplicité d'un amour intime avec des baisers qui chantent clair, ne mentent point, soient le repos délicieux qui calme des angoisses, des épreuves et de tout le martyre qui se cachent au fond de l'âme d’une courti sane. Je me souviendrai toute la vie d’une courtisane admirable à laquelle j’avais fait un peu de peine, et qui, abattue, brisée, en pleurs, si tendrement con fiante et si doucement heureuse de pou voir pleurer devant un homme qui com prenait le chagrin de son cœur, me dit enfin, souriante malgré les larmes qui coulaient le long de ses joues : — Hein ! Elle est jolie, la fameuse courtisane que toutes les femmes jalou sent, que Ton croit si heureuse parce qu’elle a des bijoux splendides... Très ému, je lui demandai de l’em brasser; je cueillis une larme au bord de ses paupières, elle le sentit ; alors, elle me dit, avec un je ne sais quoi effroya blement douloureux : — C’est salé, n’est-ce pas? Ah! j’en connais le goût depuis tant de mois ! Elle avait aimé, et elle pleurait sur cet amour pour un amant honteux. Victorien du SAUSSAY....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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