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Le Fin de siècle, 21 mai 1899

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Le Fin de siècle
21 mai 1899


Extrait du journal

En vain lui montrait-on quelle avait tout ce qu’il faut pour jouir de toutes les jouissances de la vie; en vain des amis lui démontraient-ils que son amant l’aimait, qu’il le disait, qu’ils en avaient la preuve; en vain son miroir lui criaitil qu’elle était belle, et que tous les ser ments d'amour qu’elle pouvait susciter ne devaient pas être des mensonges. Conseils des uns, paroles d’amis, révélations du miroir, elle ne crut ni dans les uns ni dans les autres; son caractère de femme était tellement doué pour le mensonge qu’elle ne pouvait admettre que son amant ne mentît point. Sans même l’excuse d'être jalouse, elle devint un abominable tyran, scrutant les moindres gestes, contrôlant les plus insignifiantes choses. Il fallait que son amant rendit des comptes, comme un serviteur fait pour celui qui le paie. Parce que l'homme était bon, elle en abusa. Peu à peu elle s’habitua à être stupidement terrible, sans cependant trouver dans sa rage et sa cruauté la moindre parcelle de joie. Même on crut, dans son entourage, qu elle pourrait devenir folle. En effet, son amant n’avait-il pas raconté qu’une nuit, dormant près d’elle, elle l’avait éveille et brusquement, d’une voix féroce : — Je veux que tu me dises à qui tu rêves. L’homme répondit qu’il ne rêvait pas, qu’il ne rêvait jamais, et il ajouta : — Autrefois, quand je rêvais, je rêvais de toi. Maintenant, la nuit, je ne demande qu’un seul bonheur, celui de ne plus rêver, car ils ne sont pas roses, les songes des amants comme nous. Quelquefois, au contra ire, cette femme était prise d’un véritable accès de ten dresse. Il semble qu elle voulût effacer tous les mauvais souvenirs ; elle avait l’art d’être infiniment câline, infiniment douceetsi belleamante,qu’à son contact l’amant redevenait vite jeune, redeve nait vite amoureux aussi, et c’était le retour de toutes les triomphales joies qui avaient faite si belle la première période de leur liaison. Mais hélas! ces accès ne pouvaient avoir que de courts instants, et la vie ordinaire, épouvantable et laide, reve nait au galop, avec ses hideurs et ses soucis....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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