Extrait du journal
choyé, dorlotté. Et voilà comment il y a tant de vieilles filles, qui se dessèchent, se désolent, après la quarantaine! Lorsqu’elles étaient jeunes, jolies, les pauvres, aux moments suprêmes où la chemise devait tomber, elles ont remonté leurs collets, éloigné avec des gestes hautains leurs audacieux amis, pensant qu’après un acte pareil de vertu, digne des éloges de la morale en action, elles saient, en récompense, éternellement aimées!... Non, sans la possession il n’y a pas d’amour. Les préludes, si gentils, si pleins de charmes, ne sont que d’amusantes bagatelles de la porte. L’on ne s’aime vraiment qu’après s’être éperdus l’un en l’autre, confondus en un seul corps, en une seule âme. La possession est pour ainsi dire la pierre de touche des pas sions sincères. L’amour qui ne résiste pas à cette épreuve n était pas de l’amour : un caprice tout au plus, un enlantillage. « Loin de diminuer mon amour, la pos session ne fit que l’augmenter. * Que connaît-on l’un de l'autre, avant la possession? Si peu de chose! C’est seulement après une ardente nuitée de baisers et d’enlacements, qu’amant et maîtresse peuvent comprendre enfin toute l’intensité de leur amour. Car alors on se donne mutuellement des preuves, réelles, vivantes, qui ne sont plus de froides paroles ou des serments vulgaires^ tant de fois répétés. La répétition à ces moments-là, n’est point banale ; au con traire : il y a des choses qu’on ne se lasse jamais de répéter. Et la preuve que la possession resserre indissolublement des liens que noua l’af fection ou le simple caprice, ne la trouvet-on pas dans ces faux ménages, si nom breux aujourd’hui, qui ne connaissent ni le divorce, ni la séparation de corps ? On s’est rencontré, par un jour de printemps, dans les bois de la banlieue, sur les rives de la Seine. Les regards ont été subitement éblouis par cette électri cité, physiologique et psychologique, que Stendhal appelait le coup de foudre. On n’a pas perdu son temps en des flirtages prolongés. On s’est marié, 9 la face du ciel sur le gazon, ou dans un mauvais lit d’au berge; et les épidermes des amants se sont désormais soudés, confondus par la volupté, rivés pour toujours à la même chaîne. Et cela, parce que la possession fut, de part et d’autre, complète, loyale, sans arrière-pensée. ' La femme que nous aimons le mieux, c’est celle qui se livre tout en tière, des pieds à la tête, que nous possé dons, qui est à nous — l’homme étant, par instinct, propriétaire et conserva teur!... . BOUGUENAIS...
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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