Extrait du journal

On s'étonne. On s’indigne presque. Un sergent de ville a enlevé une fillette de quinze ans ! Ah ! le misérable !T)uel déshonneur pour le corps des gardiens de la paix. Le gueux ! Al. Lozé, plato niquement, le révoque. Il est admis que ces pauvres diables, qui, pour cent francs par mois, sont chargés d'assurer notre sûreté, sont des modèles d'honneur, des exemples de vertu. Le bourgeois, instinctivement, garde au fond du cœur le respect du « sergot », dernier vestige de l’autorité, suprême épouvantail à moineaux. Les ouvriers, s’ils ne l’aiment guère, du moins le craignent. Le pochard, révérencieux, l’appelle : Vieux frère ! Et se cramponne aimablement à son bras, pour se rendre au poste. Les plus enra gés braillards, les manifestants patentés, sans riposter, se laissent assommer par la police ; et leurs plus grandes colères son: satisfaites quand ils ont traité de « Feignant ! » l’agent qui les arrête, les bourre, à coups de pied. Oui, sous leur uniforme, les gardiens de la paix sont des personnages ! La tunique semble leur conférer des attri buts surhumains. Nous en sommes tous, encore, à nous incliner devant les képis, les galons, les coupe-choux et les boites!... Le Français est frondeur, dit-on. Cependant il subit, très servilement, l’autorité vulgaire, plate, représentée par des argousins et des estafiers. Nous sommes des toutous, nous aimons par fois sentir, à notre cou, la laisse qui nous guide et nous maintient....