Extrait du journal

Mme G. avait la réputation de jouer un rôle important dans l'Etat. Parmi les innombrables comédies de la vie parisienne, l'influence qu'on lui attribuait n'était pas une des moins comiques. Les petits historiographes des menus faits de ce temps racontaient, sérieusement, en établissant de brillants parallèles dans le passé, que son salon était le point de départ et la consécration des fortunes politiques et des renommées littéraires, par conséquent le rendez-vous de toutes les jeunes ambitions, et aussi de toutes les vieilles. A les croire, c'est là que se fabriquait l'histoire contemporaine, que se tramait la chute ou l'avènement des cabinets, que se négociaient, par de géniales intrigues et de délicieuses causeries, aussi bien les alliances extérieures que les campagnes académiques. M. Carnot lui-même, disait-on, était tenu à d'habiles ménagements envers cette puissance redoutable, et pour en conserver les bonnes grâces, il lui envoyait galamment les plus belles fleurs des jardins de l'EIysées et des serres de la Ville. D'avoir connu, au temps de sa ou de leur jeunesse Mme G. n'était pas très fixée sur ce point de chronologie M. Guizot et M. Thiers, Cavouret le vieux Metternich, cette antique personne gardait un prestige dont la république aimait à se parer, comme d'une traditionnelle~élégance, et son salon bénéËciait de l'éclat posthume qucces noms illustres, à tout propos invoqués, rappelaient aux réalités diminuées du présent....