Extrait du journal
A Boston, loin du port, loin des rues étroites et agitées de la villa commerçante, dans le quartier aristocratique des Feno, s'élève, à l'angle de deux rues, une grande maison, de mine fermée et sévère. Seule, une terrasse à l'italienne, qu'ombrage en été la verte voûte dune pergola, met à cette façade hautaine une grâce eb' un sourira pour le reste, avec ses hauts murs froids percés de fenêtres irrégulières, ses portes étroites et surbaissées, cette maison a, par le dehors, quelque chose de la gravité triste de certains vieux palais florentins. Mais franchissez la voûte sombre de l'entrée l'intérieur est une merveille, une joie, un éblouissement pour les yeux. Par un contraste qui sans doute n'est point involontaire, mais dont l'imprévu est charmant, à l'austère nudité des murailles extérieures s'oppose une vaste cour, lumineuse et souriante. Des arbres rares, des palmiers élancés, des parterres de fleurs y mettent, parmi des ruisselets d'eau courante, une grâce colorée et pittoresque; et cet élégant jardin d'hiver s'encadre dans le décor le plus exquis, entre quatre hautes murailles de briques aux tons de rosé éteint, où s'ouvrent des fenêtres gothiques, aux arcades ciselées, telles qu'on en voit aux palais de Venise, et qui reposent, comme le palais des Doges, sur une galerie aux arcades surbaissées. Des marbres précieux, sarcophages antiques, statues italiennes de la Renaissance, égaient de leur blancheur les voûtes du portique sur le sol, une mosaïque ancienne brille entre quatre colonnes torses dressées à ses angles un élégant escalier de marbre, dont deux petits lions décorent la rampe, monte du jardin aux appartements dont les portes sont serties de sculptures du quinzième et du seizième siècle. Et peu de sensations sont plus charmantes, par le dur hiver d'Amérique, quand les palissades des Feno disparaissent sous un tapis de neige, et les étangs sous un miroir de glace, que la brusque entrée dans cette cour tiède, accueillante et parfumée. Le monde extérieur disparaît, la notion du réel s'évanouit on oublie qu'on est à Boston (Massachusetts), pour se croire transporté, par la grâce d'une fée bienfaisante, en quelque palais du Grand Canal, dont le propriétaire ne serait pas rentré. C'est Venise en Amérique....
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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