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Le Gaulois, 7 juin 1882

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Le Gaulois
7 juin 1882


Extrait du journal

Il appartenait au citoyen-directeur Maxime Lisbonne d'inaugurer, à l'usage de ses confrères, la greal attraction, le clou auquel les directeurs en détresse pour ront désormais accrocher, à défaut d'un succès de pièce, un succès d'argent. Car vous ne le saviez peut-être pas les cabales politiques et littéraires ont suivi et p'oursuivi Nadine, « le plus grand succès du dix-neuvième siècle », dans la première tournée qui vient d'être essayée en province. Voulant couper court aux appréciations partiales contre cette pièce, Louise Michel „ a décidé qu'une reprise de Nadine aurait lieu le mardi (i juin, à Paris même, aux Bouffes-du-Nord. Mâis, à cette nouvelle série de représentations, il fallait donner un cachet, un attrait nouveau, particulier, original, extraordinaire. Une exhibition curieuse était nécessaire : Louise Michel s'est dévouée!... Il a été décidé que chaque représentation de Nadine serait dorénavant précédée d'une conférence de la grrrande citoyenne, qui expliquerait les vues littéraires et dra matiques qui ont présidé à la conception de son œuvre. La série a commencé hier soir, aux Bouffes-du-Nord, pour se continuer, dès le 18, en Belgique... et ailleurs, si pos sible. J'ai eu la curiosité d'aller voir et enten dre ça ! Voici ce que j'en ai rapporté : Nous étions deux cent vingt-trois, épar pillés un peu partout. Louise Michel s'est avancée, grimaçant un sourire, tout de noir habillée, un long voile de crêpe flot tant sur le cou. Elle va parler, elle parle : « Je me sens quelque peu gênée de venir ici défendre une pièce dont tous les jour naux ont beaucoup trop parlé, et qui a été discutée aveG une courtoisie dont je suis heureuse de remercier la presse. Je me sens embarrassée, parce que je ne suis pas ici sur mon terrain : je dois me renfermer dans le domaine littéraire, et toutes les allu sions me sont défendues. Peut-être m'en échappera-t il ? Tant pis ! Ce ne sera point de ma faute. « On a dit quenotre pièce était incomplète, que ce n'était qu'une ébauche. On a eu rai son. Mon collaborateur et moi, nous avons pensé qu'en cette époque tourmentée il fallait suivre la rapidité des événements de chaque jour, faire des scènes très promptes et des aGtes très courts. » Nous aurions voulu laisser au théâtre un souvenir de ce géant, Backounine, de vant la jeune génération; la censure a meurtri nos deux premiers actes. A quoi bon alors travailler pour voir ainsi mas sacrer son œuvre?... Aussi, pour ma part, je deviens... paresseuse : car tout ce que je fais et dis est épié, commenté, déna turé... » Son plaidoyer pro Nadinà sud continue par une explication, et des caractères de chacun des personnages, et des milieux dans lesquels ils s'agitent. « On nous a reproché de n'avoir point fait mourir Sophia, la personnification du mal. Le mal ne meurt pas, il surmonte tout. Ce qui torture notre société, c'est qu'elle renferme une génération fatiguée, ayant des aspirations qu'elle ne peut assou vir. D'autres viendront, se dit-on, qui triompheront. Succombons, nous, pour cette œuvre sainte : nos enfants en récol teront les fruits. » Mais, je m'arrête : car la censure sous une autre étiquette me surveille. Demain, je ne pourrai peut-être pas en freindre cette loi qui m'oblige à ne parler que de littérature; demain, je serai forcée de raconter la mort de la Pologne, de voir ses lambeaux, partout où. ils sont jetés, se réveiller chaque fois que souffle le vent de la liberté, se mêler à. tout ce qu'il y a de beau, et devenir un peuple de toutes les nations. » Demain peut-être je vous montrerai cette longue ligne de potences que j'avais élevées, au dernier, acte, près des fenêtres du palais du prince, et que la censure m'a impitoyablement . interdite. Aussi bien, cette longue ligne de potences, peut-être la verrons-nous se dresser bientôt, soit en littérature, soit autrement. » Louise Michel a fini. Elle se retire,. sans...

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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