Extrait du journal

Rome, 9 avril. Mon cher directeur,, . Rendu à la liberté depuis ce matin, le premier usage que j'en fais est de m'ao quitter, par le Gaulois, d'un devoir qui m'oblige envers vous, envers le syndicat de la presse parisienne, envers tous mes confrères de France, dont je viens de con naître à la hâte les généreux articles. Je viens d'apprendre aussi que, pendant ce temps, certaine presse plus que vénale de l'ltalie ne savait pas se taire devant le mur d'une prison et, au nom du gouver nement dont elle est la servante tarée, m'insultait et me bafouait. Vous avez re vendiqué l'un des vôtres, merci ! Spéculant sur mon silence obligatoire (spéculation à courte de vue), des voix officielles ont essayé, à Rome et à Paris, d'accréditer sur ma prison une sorte de roman, une pastorale, une bucolique. Et pourtant rien ne prête à l'idylle dans le récit que je dois faire, non pour moi, car j'oublie volontiers lapeine, mais pour mes confrères. La dignité de la presse consiste plus encore à n'être pas trompée par des renseignements officiels, que dans les égards qui peuvent être dus à ses con damnés. Ce que j'ai supporté n'est rien, et dans ce traitement, ma personne n'est pas plus en cause qu'elle n'était dans le procès qui me fut intenté. Eu cette affaire, j'ai eu l'honneur excessif ët immérité de repré senter un grand principe... Me plaindre serait me rendre tout à fait indigne d'un tel excès d'honneur. Et comment me plaindre ?En ces dix derniers jours, je regardais de ma fenêtre une prison bien plus majestueuse et bien plus indigne, le Vatican 1 Et j'étais en cette Rome où les souffrances ont tou jours été fécondes en grâces. Non, non, je ne me plains pas....