Extrait du journal

de J eanne d'Arc En ce moment, tous les Français fêtent Jeanne d'Arc et les étrangers qui aiment la France doivent s'en réjouir. Parmi tant de tristesses que l'heure louche nous apporte, voilà un peu de bonheur qui vient à nous et qui empêche les esprits trop chagrins de désespérer. On peut tout attendre d'un pays qui se retourne si noblement vers une vierge guerrière en communication avec les puissances du ciel. Ce pays, pour les ger à courte vue, peut sembler anémié, maladif, prêt à toutes les décompositions en réalité, le fond est sain et l'ossature solide sous les mièvreries de surface. Il pourra se cambrer, s'il le faut. L'autre jour, une sonnerie de clairons retentit brusquement près de l'Opéra, sur une cohue de midinettes querelleuses. C'étaient des soldats qui défilaient, musique en tête, en partance pour la Ruhr peut-être. Quels redressement ;d'ans la foule et quelle clarté sur les vi'sages 1 Tous, hommes et femmes, jeunes ,et vieux, vibrèrent d'un même frisson ;héroïque, d"une même fierté résolue, et les plus sceptiques sentirent que la Franche n'avait jamais été plus belle. C'est la même impression qu'on a devant ces cortèges de jeunes gens organisés en l'honneur de Jeanne d'Arc, et nous, nous sentons grands à mesure que ce culte s'accroît. Cette année enfin, le peuple semble unanime. On a bien signalé quelques papiers honteux, distribués, ça et là, pour faire croire que Jeanne d'Arc était une Allemande. Mais ce sont là les derniers coups de feu de combattants en déroute. L'héroïne de Vaucou'leurs n'a plus un détracteur sérieux. On l'a si bien deviné, dans les grands magasins, que des expositions spéciales ont été faites de mille objets hétéroclites oriflammes, lampions, images, insignes, 'destinés à glorifier la nouvelle sainte. Dans les écoles laïques, les instituteurs j n'ignorent plus Jeanne d'Are et les insi titutrices question de féminisme plus que de religion, hélas se mettent à commenter ses vertus. Et les pouvoirs publics eux-mêmes, si boudeurs naguère, suivent le mouvement. L'autre seiniaine, à Versailles, un touriste demanda si les- grandes eaux joueraient, licomme d'habitude, le premier dimanche de mai....