Extrait du journal

J'ai dit autrefois les joies du Parisien qui trouvait dans Paris, ville d'été, la plus aimable des villégiatures. C'était vrai autrefois, dans le Paris d'il y a vingt ans. Alors, sitôt venus les premiers jours d'août, débarrassés des gêneurs, nous entrions en possession d'un Paris familial et intime. Les rues étaient rendues au calme et chacun y reprenait, d'instinct, le pas du promeneur. On cheminait à l'ombre sur les boulevards du dans la solitude de l'avenue du Bois. On .,visitait les monuments. On allait revoir la Joconde. Parfois, on rencontrait un ami en rupture de bains de mer. On mettait en commun, avec une férocité joyeuse, les nouvelles qu'on avait de leurs mésaventures. « A Cabourg ils &nt trente degrés à l'ombre. Et ils n'ont pas d'ombre A Trouville les hôtels sont pleins ils couchent sur les planches. A Vichy on leurs expédie de l'eau de Seine. Au MontBla^.o ils ont dû établir un service d'ordre, pour éviter l'encombrement. » On s'invitait au cabaret, dans des endroits où des littérateurs connus se sont vantés d'avoir dîné. Les cochers de fiacre se faisaient polis pour vous conduire. Si même on tenait à se donner la sensation d'un voyage, on allait sur la place Saint-Sulpice, déserte et dévote comme une place de province, prendre un tramway que tirait un seul cheval. En partant de bonne heure, on arrivait à Auteuil avant la nuit. C'était charmant....