Extrait du journal

.'Le luxe ne serait-il éternel que parce qu'il n'existé pas en lui-même ? C'est une imagination, qui varie selon le temps et le milieu social. L'esclavage d'argent aux lourdes plaques que la fer mière du Limousin porte avec, orgueil est un objet de luxe pour elle et- pour les paysannes qui meurent d'envie de vant. cette insaisissable splendeur. Pour vous, madame, ce serait à peine une chaîne à l'usage des cent clefs de vos cent malles. L'utile et l'inutile ne marquent marne pas les frontières du luxe et du néces saire : une fourchette était un objet de luxe à. la Cour de Louis XI. La Maison de France en possédait trois et personne ne s'en servait. Aujourd'hui, la douzaine de fourchettes, et même le service des entremets ornent la table du plus hum ble ménage. . Entre le luxe et le faste la limite reste toujours visible : la salle de bains mo derne avec ses faïences, ses jets d'eau chaude et froide, ses lourdes cuvettes, ses étagères de cristal uni est un objet dé luxe. La buire d'or ciselé, la minus cule cuvette d'or où les croissants, de Diane s'enlaçaient en relief était un objet d'art et de faste, au même titre que la vasque en porcelaine de Chine où se baignait fort à l'étroit l'opulence de Mme de Pompadour. Le luxe ne sépare pas les classes ; au Contraire, il les rapproche. Le faste ne plaisait qu'à l'élite. En un siècle, le peuple a pu acquérir en luxe ce que l'aristocrate, né ou parvenu, a perdu en faste. L'ouvrier et. le grand patron ont la même lumière électrique. Le moindre boutiquier se sert du téléphone, comine le fier ambassadeur. Jadis, tout grand seigneur avait son messager à cheval, prêt à sauter en selle pour porter-les ordres précis ou les billets tendres. Ce serviteur de faste et d'apparat a disparu aux sonneries du téléphone ou du télé graphe. Trois maisons en France ont gardé le somptueux usage de la vaisselle plate, à l'exclusion de toute porcelaine pour le service de la table. Ce faste de l'argen terie pour les plats, tous les plats, pour les assiettes, toutes les assiettes, du po tage aux fruits était immense. Car la porcelaine se brise un peu ; mais l'ar gent se ternit, se ride sous le couteau, se met en bosses ; en 1783, la maison de M. le duc de Fronsac comptait seize argentiers occupés au service quotidien. Les assiettes d'argent, bien tenues et soigneusement polies, étaient usées après dix ans de service quotidien. En 1788, l'inventaire de la vaisselle plate chez. Mme de La Rochefoucauld donnait le total do deux cent- vingt-sept caisses, sans compter les boîtes à surtout, à lmi-...