Extrait du journal
J'ai dit autrefois pourquoi les portraits d~hommes à retenir sont moins nombreux, en.nos Salons, que les portraits de femmes. Simple question de costume ou d'inégalité pittoresque devenue très importante pour des artistes et pour une époque dont l'amour du pittoresque est une des maladies. La femme se pré vaut, aux yeux du: peintre, du scintillement de ses bijoux, de la fantaisie de ses atours/de la fluidité de ses dentelles, du ramage de ses satins~ de ses velours, de ses plumes et de ses fleurs. Elle n'a qu'à paraître pour triompher dans la pompe ou la grâce toujours variée de son appareil. Selon qu'elle est lournée, elle s'ajuste et se façonne, et c'est à l'avantage de son teint qu'elle assortit ses couleurs. A la blonde conviennent spécialement les bleus doux, les roses tendres, les verts changeants, les mauves subtils; la brune s'adresse de préférence aux rouges yifs, aux jaunes d'or, aux tons actifs et réveillants.. Tout est permis à la femme moderne elle porte à son gré des chapeaux empanachés, aux larges bords qui font flotter sur ses traits une ombre'impatpable, ou des chapeaux étroits, faits d'un ruban et d'un bouquet; des collerettes démesurées aux tuyaux roides d'où émerge e sa tête une, ou d'imperceptibles .bouillonnés de gaze qui s'échappent de son corsage comme une écume d'argent des gants de toutes les nuances à six boutons, à vingt boutons et même sans boutons des corsages décolletés en carré, en rond, en cœur, en triangle, ou sévèrement fermés; des jupes à plis tombants, ou retroussées, ou bouffantes, ou collantes au corps; elle s'habille, en un mot, de pied en cap. le plus librement du monde, s'inspirant à sa guise des modes de la Renaissance, du dix-huitième siècle, du Directoire ou d'un autre temps. Jeune, la toilette la pare et, vieille, elle la répare. Ses attitudes suivent ses ajustements. Qu'elle se tienne debout, la sou pie élégance de sa taille et la dignité de son port sont mises en relief; qu'elle demeure assise, son buste s'épanouit magnifiquement. L'éventail à la main, elle a fair d'une reine; les mains abandonnées, elle est, pour ainsi dire, délicieuse de désarmement. Que de ressources offertes au portraitiste qui la veut peindre Mais rien de pareil dans l'accoutrement du sexe laid. L'homme moderne a, pour uniforme, la redingote noire ou quelque chose d'approchant. Plus son costume est monotone, plus il est du devoir du peintre de rechercher l'expression du caractère intime. Mon habit est d'une coupe désagréable, d'une couleur tristes eh bien! saisissez et rendez ma personnalité; faites ta synthèse de mon physique, de mon tempérament, de ma condition.'Ce but vous semble difScile à atteindre vous l'atteindrez néanmoins en me plaçant dans mon milieu, en me représentant dans mon action familière. Quefitnaguère M. Fantin-Latour, ayant à portraire Edwin Edwards, le célèbre eaufortiste anglais ? Il le montra fouillant dans son carton à estampes et regardant ses épreuves. Que fit M. Degas, ayant à peindre le critique d'art et romancier Duranty? Il le peignit à sa table de travail, encadré dans ses livres. De même M. de Nittis. réproduisant les traits de M.Edmond de Concourt, l'auteur de Ger~t/M'e Zecey
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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