Extrait du journal
Je donnais, jeudi dernier,* de justes éloges à M. Bardoux, qui veut être de fait, et non pas seulement de titre, le ministre des beaux-arts. Je ne m'attendais point à ce qu'il me fournirait si tôt une nouvelle occasion de louer son zèle vif et plein d'initiative; mais le souci des théâtres ne lui fait pas négliger les intérêts de la peinture et de la sculpture, et c'est de quoi nous lui devons savoir gré. U y a beaucoup à faire dans le domaine un peu troublé des artistes; le mieux est d'y vaquer promptement aux réformes urgentes. L'Art est apparu, depuis nos désastres, comme une de nos forces nationales les plus puissantes l'Exposition universelle vient encore d'affirmer la supériorité de notre école sur les écoles étrangères. Voici donc l'heure propice où doivent disparaître les abus, et le ministre, en les supprimant, ne fera pas simplement œuvre de bon administrateur, mais encore d'excellent citoyen. Nos lecteurs se souviennent peut-être des articles que j'ai consacrés naguère â la question des jurys du Salon. Aucune prospérité ne résisterait longtemps à une organisation pareille. Un très petit nombre de privilégiés est seul admis à constituer l'aréopage qui examine les envois et décerne les récompenses. De ce suffrage restreint sort un jury sans indépendance, éternellement composé des mêmes hommes, et dont les décisions sont presque toujours suspectes, parce qu'il ne saurait appartenir à une minorité d'imposer des juges à-la majorité. Il est essentiel de renoncer à ces procédés par trop exclusifs et tyrarmiquës. Et, puisque nous sommes arrivés à cette conclusion. qu'en matière théâtrale il serait dangereux de toucher à la liberté, on me permettra bien de dire qu'en matière d'expositions annuelles il ne serait pas meilleur de conserver un régime antilibéral. M. Bardoux, convaincu de cette vérité, a débuté par réorganiser le conseil supérieur des beaux-arts. Ce conseil, formé d'hommes compétents, rompus aux questions artistiques, a pour mission de tirer au clair les difficultés qui se présentent et d'en référer au ministre. Son avis, cependant, n'engage le ministre en rien. Il est nécessaire que celui-ci ait le droit d'agir en dehors de lui et même contre lui, au besoin. Responsable de ses actes devant la Chambre, il doit avoir la plus entière liberté d'action. Nous n'avons que trop souffert de ce parlementarisme intérieur, qui s'appelle, dans les ministères, la bureaucratie et les commissions. C'est pourquoi je tiens que, tôt ou tard, il faudra reprendre l'idée d'un ministère des beaux-arts, indépendant de l'instruction publique et des cultes. L'initiative ministérielle ne sera véritablement efficace, et la responsabilité incontestable, que si le ministre est maître d'une maison faite pour lui et point trop grande* Mais ce n'est pas le moment de revenir sur ce sujet. Acceptons ce qu'on nous donne comme un acheminement à ce que nous désirons, et, voyons quels projets ont été soumis au conseil supérieur. Tout d'abord, j'écarterai du débat une certaine proposition à laquelle il conviendrait médiocrement de s'attacher. C'est l'idée d'une loterie régulière, analogue à eelle de l'Exposition universelle. Les fonds en seraient affectés à l'achat d'oeuvres exposées, de manière à perfxeitre d'employer les crédits annuellement inscrits au budget à l'acquisition d'œuvrêS de grand art. Cette innovation paraîtrait malheureuse pour plusieurs •raisons, dont voici les plus fortes L'Etat achète, à l'issue de chaque Salon, quelques tableaux et quelques statues.. Il va de soi -que ces mprceaux doivent être pris parmi les meilleurs. Qu'entend-on par ces mots «œuvres de grand art »? Le devoir de l'Etat n'est pas, assurément, de s'adresser aux médiocrités et d'encourager les médiocres. Or, il n'y a depelïi art que l'art des médiocres, qui produisent des médiocrités plus ou moins agréables à voir. Les « œuvres de grand art » ne se mesurent ni ne se pèsent. Le MU huit 'centsfept de M. Meissonier n'est pas de dimensions héroïques; et pourtant c'est une « œuvre dé grand art ». De même la Comptabilité de M. Ribot ou sa Mère Morieu. En revanche, les vastes panneaux de M. Cabanel sur l'histoire de saint Louis, ramassis de formules de professeurs, triple page incolore et insipide, sont « œuvres de petit art ». Les chaudrons de M. Vollon sont souvent admirables; les nymphes chlorotiques de M. Hébert sont souvent insupportables. Au total, le « petit art » n'est...
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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