Extrait du journal

Il semble vraiment que les rouages BOient trop compliqués. On a dit que c'é tait la machine de Marly, et on a eu rai son. Le moindre incident devient énorme à la Comédie, par l'importance des per sonnages qui y sont forcément mêlés. M. le directeur des beaux-arts, gros mon sieur! M. l'administrateur," gros mon sieur! MM. les membres du comité, tous gros messieurs ! Et tous doivent s'en ré férer à une vieille charte rougie aux flammes de l'incendie de Moscou, à un contrat de mariage entre la Comédie et l'Etat, devenu presque illisible grâce aux coups de canif dont il a été criblé 1 On a parfois plaisanté M. Claretie sur la bienveillance de son caractère et sur une certaine irrésolution qui naît de cette bienveillance même. Je ne sais ce qu'il y a de juste ou d'excessif dans ces railleries douces. Mais je voudrais bien y voir ceux qui raillent !... Quoi qu'on en ait pensé parfois, l'administrateur qui exerce sa magistrature aimable sur les comédiens et les comédiennes n'est pas couché sur un lit de roses. Rien n'est plus difficile que le poste qu'il occupe. On y est sans cesse aux pri ses avec de grandes passions excitées et entretenues par de petites choses. Il y faut autant de fermeté que de souplesse, et la proportion dans laquelle on doit avoir ces deux mérites est, pour ainsi dire, variable à l'infini, selon des inci dents qui se renouvellent chaque jour. Joignez à cela le cri de l'opinion publique, qui veut être satisfaite sans tenir compte des difficultés. La fouie, quand il s'agit de ses plaisirs, est très exigeante. Pour le cas présent, par. exemple, elle voulait que M. Coquelin rentrât à la Comédie, avec une idée juste, d'ailleurs, du véri table intérêt de son favori. Et, quand on venait objecter le règlement ou telle ou "telle entrave, le public s'impatientait de foutes ces histoires de bureaux et de comités, et estimait qu'on en faisait trop d'affaires. Contenter tout le monde est le lot de l'administrateur, et quand il faudrait, pour cela, arriver à marier le Grand Turc à la république de Venise, on lui répond que le précédent existe dans le répertoire et que Frosine ne s'embarrasse pas pour si peu 1 Il me parait que le décret de Moscou est à refaire. On a touché à des choses plus saintes ' que la constitution de la Comédie. Il n'est peut-être pas bien diffi cile de maintenir le sociétariat, mais, en même temps, de définir les droits et les devoirs du comité. Quant aux rapports de l'Etat et de l'administrateur, tout le monde gagnerait à ce qu'ils fussent moins vagues. Un cahier des charges, prévoyant tout, serait préférable à de continuelles interventions....