Extrait du journal
...Je regardais ces anciens Gent-Gardesqui ve naient de heurter fraternellement leurs verres, de répondre comme jadis dans le rang à l'appel de leurs noms, d'évoquer des jours lointains de somptueuse gloire et de tragique désastre. Et je me sentais tout ému devant eux, j'avais l'im pression d'avoir pénétré dans une chapelle où des trophées de drapeaux couvrent les murs, où sommeille l'âme du Passé. On aurait dit de chênes légendaires que les ha ches des bûcherons ont respectés, qui dominent l'hécatombe de la forêt, qui perpétuent un culte aboli. Ils avaient des silhouettes de conquérants. Ils personnifiaient la force qui aime le danger, qui nargue les obstacles, qui se rue vers les rouges aventures, qui se dévoue pour un maître. Ils semblaient avoir été conçus par des géantes. Et avec leurs massives épaules, leurs faces sanguines et énergiques de grognards, leurs bar biches à l'ancienne mode, leurs poitrines puis santes, leurs mains énormes, les rides qui se mêlaient aux cicatrices de blessures, ils parais saient, dans ces redingotes trop étroites, dans ces habits trop funèbres des vétérans qui ont voulu se déguiser un soir de joie, qui se sont partagé la garde-robede quelque vieux fripier... Je les voyais ailleurs superbes, immobiles, irradiés d'aveuglantes clartés sur des escaliers de marbre, haie vivante que frôlaient des vestiges de beauté et d'orgueil, des robes d'impératrices et de reines, des épaules nues de jeunes femmes. J'écoutais en un rêve nostalgique des fanfares stridentes, des salves ininterrompues, des hym nes de cloches qui se répondaient par toute la ville, qui annonçaient des réjouissances et des victoires, des clameurs de foule, des galopades d'escorte autour d'une calèche attelée on dau mont. Ils ressuscitaient sanglés dans la tunique bleu de ciel à parements écarlatos, la tête haute sous le casque à crinière blanche, le torse droit sous l'étincelante cuirasse d'acier. Ils traversaient fièrement des champs de ba tailles et des apothéoses. Ils piaffaient impassibles dans le sifflement des balles, dans l'épaisse fumée de la poudre sur les collines de Solférino. Ils défilaient sur un ta pis de Fête-Dieu, fleuris de bouquets, souriant aux sourires des brunes Italiennes, dans les rues de Milan. Ils paradaient, figurants magnifiques, dans les galas des Tuileries. Ils jalonnaient comme des statues les décors solennels de Gompiègne et de Fontainebleau. Ils veillaient à Saint-Gloud sur les lassitudes douloureuses, sur les songeries moroses du fataliste qui voyait déjà son étoile pâlir dans le ciel. Ils se dressaient rivés à leurs chevaux, soldats choisis entre les plus forts, les plus braves, les plus beaux hommes de l'armée française, derrière les hôtes hypocrites qui mé-...
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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