Extrait du journal

J'ai lu dans les journaux une petite 'nouvelle, dont je souhaite beaucoup qu'elle soit vraie des élèves d'un grand lycée de Paris, avant les vacances, ont formé un groupe où chacun s'engage à ne' plus jamais parler argot. Si la chose est exacte, voilà encore un de ces bons sjgnes comme il commence à s'en voir plusieurs, qui annoncent un retour déla France à son génie. Pendant ces dernières années, du reste, le Français n'a été que trop envahi et il est plus que temps qu'il ferme ses portes d'or. Ces gens qui se 'plaisent à truffer d'argot leur langage, nous en connaissons tous. Quel est au juste leur plaisir ? Celui, je pense, de se signaler à peu de frais, de faire sans risques un petit scandale, de narguer un certain ordre social, qui, en somme, les abrite et les protège, en venant y arborer la cocarde d'un monde inférieur et ennemi. L'audace n'est vraiment pas grande. Ce n'est pas que l'argot, qui n'est qu'un tissu de métaphores, ne puisse intéresser des linguistes, divertir des artistes et des écrivains. Mais les gèns qui emploient ces expressions, presque toujours, d'ailleurs, à contresens, ne les ont pas inventées ils les répètent seulement et leur fantaisie personnelle n'y a point de part. Il y a dans l'argot une fausse apparence de pittoresque, comme il y a dans les gros mots un faux air d'énergie. Ceux qui en usent croient montrer leur vigueur, quand ils ne font que céder au moindre effort en ramassant les injures les plus basses et les plus courantes. Ceux qui donnent dans l'argot font preuve du même laisser-aller. Que ne sentent-ils que certainos facilités, sont à la portée de tout le monde, et qu'il est beaucoup plus expressif de se les refuser que de se les permettre ?...