Extrait du journal

II y a une injustice grave et une totale inexactitude dans cette manière de penser, qu'encourage et développe la verve railleuse avec laquelle les professionnels piquent de l'ironie dans les ambitions, les mieux fondées parfois, de leurs confrères de l'autre étage. C'est des temps romantiques où s'épanouit l'exécration tonitruante pour l'infamé bourgeois que date l'étrange manie de croire que le talent soit une conséquence immédiate de la pauvreté et la fortune un irrémédiable empêchement au talent. Le bourgeois c'était alors l'immonde individu qui, non content de ne rien comprendre à rien, poussait la platitude jusqu'à se vêtir comme tout le monde l'artiste c'était un jeune ou un vieux dieu, qui avait des babouches orientales, des gilets rouges, des cheveux épars, l'habitude de fumer de l'opium dans des crânes d'enfant et qui tenait essentiellement à ce que son apparence extérieure ne permît pas de le confondre avec qui que ce fût de raisonnable ou de décent. Les mœurs ont changé, les peintres et les gens de lettres se préoccupent maintenant de ressembler à des Anglais très comme il faut, mais ils ont gardé le préjugé contre l'autre race, et tout en les imitant de leur mieux dans leurs élégances: ils ne veulent pas perdre leur droit de Blague contre les gens du monde lorsque ceux-ci s'aventurent sur leur terrain....