Extrait du journal

qu'auparavant il eût passé ses derniers examens." Jugez avec quelle ardeur il s'était mis àl'œuvre! i Son père! Dussé-je 'vivre cent ans., jamais je n'oublierai le spectacle que nous avons eu sous les yeux, quand M. Montigny a paru sur le perron de l'hôtel, à Passy. Nous étions tous là, dans la cour, chapeau bas, attendant la famille. Dans les coins, partout, des femmes pleurant,des yeux rougis; les hommes, mornes et muets, dans l'immobilité des souffrances sincères. Tout à coup, au haut de l'escalier, un grand vieillard dëbout, droit, la tête tendue en arrière, l'œil devant lui, dans le vide. Il y eut comme un frisson de foule quand on vit cette apparition descendre les degrés, avec la rigidité automatique d'une statue de pierre. Pauvre, pauvre homme! Son fils, c'était toute sa vie doubles funérailles qu'il a paru mener aujourd'hui. C'est sur lui qu'il avait réuni toutes les forces aimantes de son être. Il l'avait élevé en mère plutôt qu'en père. Jusqu'à l'année dernière, Chéri n'avait pas eu d'autre chambre à coucher que ta sienne. Et, depuis même, M. Montigny laissait les portes de communication ouvertes, ne s'endormant jamais avant que son enfant fût' venu l'embrasser. Sollicitude que beaucoup eussent peut-être trouvés excessive, et que Chéri, lui, acceptait avec cette candeur qui, parfois, le faisait appeler «mademoiselle" par son frère Didier....