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Le Gaulois, 29 août 1883

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Le Gaulois
29 août 1883


Extrait du journal

UNE JOURNÉE A FROHSDDRF, IL Y A VINGT ANS Il n'était pas sept heures du matin, lors qu'un domestique particulier de Monsei gneur vint nous avertir de descendre à la chapelle. Ce n'était-point un ordre, c'était un désir. Nous y avons trouvé Monsieur le comte de Chambord et Madame, en prières sur leurs prie-Dieu. Ce jour était l'anniver sairede la mort dupèrédel'un de nous, ami fidèle de Monsieur le comte de Chambord, et Monseigneur avait voulu que la messe fût dite à son intention. La chapelle n'avait comme fidèles que le Roi, la Reine, quel ques visiteurs et une partie des gens de la maison, vêtus de cette livrée bleue, rouge, or et argent, quiest celle des rois de France, et qu'a prise le petit club par dévotion. Après la messe, Monseigneur nous fit offrir des chevaux, des voitures et des fu sils; puis il rentra dans ses appartements pour faire son courrier et lire les journaux. Le moment du déjeuner réunissait tous les invités dans le grand salon où l'on se promène devant le baromètre qui a vu dé filer tous les fidèles de la Maison de France. A l'heure juste, Monseigneur apparais sait. La cour de Parme se trouvait à Frohs dorf, en même temps que nous, et le jeune duc régnant portait avec majesté, sur sa poitrine enfantine, les insignes de son pou voir. Selon la coutume, on se tenait debout devant lui ; mais Monseigneur, avec sa bonté familière, nous dit: « Ne vous occu » pez pas de rendre hommage à mon jeune » neveu ; laissez la cour parmesane faire » cet office. Vous êtes des voyageursi et » non des courtisans... » Puis il ajouta avec une grâce infinie: «Je suis d'ailleurs un » voyageur aussi, et je ne cesserai de l'être » que lorsque je vous aurai serré la main » aux Tuileries. » Après le déjeuner, Monseigneur avait coutume de se promener en voiture. Il conduit de la main gauche, et, de sa main droite, puise sans cesse dans une sacoche remplie de menue monnaie, qu'il distribue aux pauvres qui se trouvent sur son pas sage. Cette sacoche est remplie chaque jour; nous avons eu la curiosité de deman der le montant de ce qu'elle contient; il est de ioo francs. Monseigneur la rapporte vide et sort plusieurs fois par jour ; cette aumône se monte donc à plusieurs centaines de francs régulièrement. Après la promenade, on se réunit sur une terrasse, entourée de parterres fleuris, et l'on cause. Monseigneur passait en revue tous les sujets avec autant de profondeur que de verve, ne laissant aucune question sous clef, aussi avide de thèmes ardus que de propos boulevardiers. Nous nous rappelons que, pendant 'cette causerie, Monseigneur ayant demandé qu'on servit des glaces, des plateaux de sorbets et de plombières furent apportés, aussitôt la cour parmesane fit une joyeuse irruption ; le petit duc Robert, mal gré la dignité de ses insignes, ne put résis ter à un accès de gourmandise, bien par donnable à son jeune âge. Il plongea ses petits doigts dans un sorbet dont la cou . leur vermeille l'attirait. Ses augustes frères et sœurs suivirent l'exemple. La cour parmesane se régalait de glaces avec déli ces. Mais, lorsque Monseigneur aperçut ce goûter anticipé, il s'écria, de cette belle voix dont l'éclat ne peut se comparer à au cune autre : « Ah 1 les petits gourmands ! » Et il ajouta, en s'adressant au jeune duc Robert : « C'est bien vilain pour un duc régnant ! » Après le dîner on servait le café sous les ombrages du parc. Nous nous rappelons la charmante silhouette de Mme la duchesse de Maillé, dans une simple robe de mous seline blanche, et coiffée de l'unique orne ment de ses beaux cheveux noirs, donnant le bras à Monseigneur, et cherchant la re traite la plus fraîche pour nous abriter. Après le dîner, on avait l'habitude de faire de la musique. Nous nous souvenons qu'on sollicita Madame la comtesse de Chambord de faire entendre sa voix, qui fut une des plus belles de l'ltalie ; mais elle s'excusa et expliqua que, trompée de puis plusieurs années dans ses chères espé rances de maternité, elle n'avait plus le courage de chanter. Monseigneur voulut bien se faire enten dre. Il chanta avec M. de la Ferronnays le duo : «' Triste exilé sur la terre étran gère... » Monseigneur est doué de la plus belle voix de baryton qu'il ait été donné d'admirer, et la conduit avec une science rare. Il est impossible de décrire l'émotion qui s'empara de nous eq enffendant cette mélodie touchante, dite avec un accent pé nétrant, par cet exilé sur lequel reposaient toutes nos espérances. L'époque dont nous parlons était celle où quelques danses nouvelles paraissaient dans les salons, entre autres le quadrille des Lanciers, et diverses figures de cotjl-! lon qui faisaient les beaux soirs des petits lundis de lTmpératrjce.. Monseigneur té moigna le désir de les connaître ; puis, ré fléchissant que Madame la comtessp de Chambord n'aimait point $ prolonger ses veillées ; '...

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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