Extrait du journal
n II y a environ un an, je crus entendre a 1 horizon de sourds roulements d'artil lerie et flairer dans l'air une odeur de poudre. Autour de moi, tout le monde était tranquille. On mangeait, on buvait, on digérait, on dormait. Alors, pour ré veiller cette béatitude bourgeoise qui me semblait de la torpeur, j'embouchai ici même la trompette, et je me mis à sonner la diane dans un article aux sonorités de cuivre. Ce fut un toile général, mais contre moi. La presse entière, de tous les partis, se révolta de ma violence. On m'appela être monstrueux, frénétique, féroce, buveur de sang. Les plus aimables se contentèrent de me conspuer comme dé clamateur. . Je n'avais pu ressusciter les courages; je n'avais fait que troubler les digestions; je m'en aperçus bien à ces vomissements d injures. Toutefois, les bruits de guerre s'apai sant, je ne Tus pas sans me dire que .j avais peut-être eu tort de pousser ce cri d alarme v A quoi bon venir ainsi faire le trouble-fête et l'empêcheur de danser en rond ? Non, il n'y a pas péril en la de meure! Je m'étais trompé sans doute. Ma claironnée martiale chantait faux dans cette atmosphère calme. Non, sur tout, ce peuple de France n'était point lâche, et, s'il dormait alors, c'était le som meil du lion.Vienne le danger, pensais-je, vienne l'odeur de poudre, réelle cette fois, et le fauve vautré se redressera sur les j jarrets, battra ses flancs de sa queue au fouet terrible, hérissera sa jube furieuse, et lancera à pleins poumons son rugisse ment de tonnerre dans lequel disparaîtra mon turlututu de pousse-caillou. Et, tout honteux de ma fougue inop portune, je cessai de souffler dans mon instrument de cuivre, qui, au milieu de la tranquillité universelle, faisait couac, comme un éclat de trombone dans de la musique de chambre....
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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