Extrait du journal

Je vis jouer, l'autre semaine, dans un théâtre de banlieue, cette idylle étonnamment fraîche d'Albert Glatigny, le Bois, que l'Opéra-Comique donnait récemment, enrichie de la musique de M. Albert Cahen. C'était plaisir pour moi d'écouter les rimes délicieuses de ce bohème inspiré, de la race des Villon et des Gringoire, admirable va-nu-pied de poésie que la fée des vers avait touché de sa baguette. Glatigny, long, maigre, efflanqué, déhanché, mal rase, mal peigné, mal coiffé, mal chaussé, vêtu d'un paptalon de hasard et d'un paletot de rencontre, inquiet de la table et du tabac de chaque jour, •paresseux avec impénitence, mais rêvant placidement de voluptés sereines et puisant à mains pleines dans le trésor des fantaisies Glatigny l'inoubliable, Glatigny l'incroyable, le macabre et joyeux Glatigny s'est tout à coup dressé en mon souvenir tel qu'il fut de son vivant et tel que je le connus naguère. A mesure que ses rythmes harmonieux sedéroulaient des lèvres des acteurs, je voyais plus distinctement sa bouche se tordre et pétiller ses yeux très clairs; je percevais le propre son de sa voix, je le sentais debout derrière un portant de coulisse. Figure bien plaisante, à dire vrai, mais aussi bien touchante Type délicat et singulier, grotesque et tendre, qui fera l'effet d'un mascaron précieux au flanc de la cathédrale poétique, si richement ornée, du dixneuvieme siècle! Il me prend envie de consacrer un peu d'écriture à cette personnalité bizarre. Eh! pourquoi non? P L'on s'arrête, du. temps qui court, à de moindres curiosités....