Extrait du journal

Je parle des journalistes, qui ont été arrêtés, lors des derniers troubles, sous une prévention de complot contre la sûreté de l'Etat. Voilà trois semaines et plus qu'ils languissent à Mazas. Trois semaines, ce n'est rien, quand les jours vous sont abrégés par la variété des occupations de la vie ordinaire, et que les heures passent rapides comme les arbres de la berge, à qui est emporté par un vapeur. Qu'elles coulent lentement en prison .C'est bientôt fait de dire: un mois de prison; ce sont des jnots qui n'apportent à l'esprit distrait qu'une idée générale et vague d'ennui, comme serait celle d'un bobo désagréable, qui durerait un peu longtemps. Ouvrez-les un peu, ces mots cruels; regardez longtemps au fond, et voyez ce qui s'y agite de chagrins, d'angoisses et de fureurs. Je ne puis en appeler à vos souvenirs personnels car il est bien peu probable que vous connaissiez une autre prison que l'hôtel des haricots. Mais celle-là même, si commode qu'elle puisse être, si court que soit le temps de liberté qu'elle vous ravit, qui n'est à proprement parler qu'une prison pour rire, elle vous a rendu horriblement lourdes les quelques heures que vous y avez passées malgré vous vous avez porté impatiemment ces moments de contrainte, et vous avez compté, sur votre montre, les minutes qui vous séparaient de l'air libre....