Extrait du journal
A ce discours ébouriffant, débité d’une voix pétulante, le roi partit d’un long éclat de rire, un vrai rire du peuple, bruyant et sans façon. C’était là un événement, car Louis XIV ne riait plus guère; il s’en donna tout son content, le bon prince ; la cour entière lit de même, et la dame en prit son parti; elle rit plus haut que les autres. Cela durait encore quand l’époux arriva : — Qu’est-ce donc ? disait-il aux voisins. — Pardieu! répondaient ses camarades, c’est M™* Girgoule, M”* Cham pignon qui fait rire le roi!... Et le pauvre mari, tout penaud et rouge de honte, se cachait dans la foule alors que sa moitié jasait avec le roi le plus gaiment du monde. Le vieux monarque, ce soir-là, sc montra d’une gaîté folle; il se retira un quart-d’heure plus tard que ne le voulait l’étiquette, et dit en s’en allant : — Sans adieu, ma chère dame ; faites-vous présenter demain , je serai charmé de vous voir. — Pardieu, ajoutait le monarque, tout en riant encore à son petit cou cher, « cette dame Girgoule, sur ma foi, a la langue bien pendue. » Dès ce moment M"e du Noyer devint l’évangile du jour ; on l’entourait, on la complimentait, chacun lui faisait fctc. Pestel disaient entre eux les courtisans, la petite Girgoule en sait plus que nous autres, car elle a fait rire le roi! — Puis les ducs et les chambellans s’écriaient, en se pressant autour d’elle : — De grâce, chère dame, faites état de moi, je suis tout à votre service» Et la dame, en levant la tête, saluait tous ccs grands seigneurs. Elle se rencontra avec le mousquetaire que l’on conduisait aux arrêts ; — Bonne nuit, mon cher, lui dit-elle, défiez-vous des champignons, ils sont perfides quelquefois, et vous en savez quelque chose. Ihiis, lorsque son époux courroucé lui reprochait son imprudence et les affronts qu’elle lui causait ; — Pardieu 1 mon cher, lui disait-elle, je vous trouve plaisant, sur ma foi ! N’est-ce donc pas pour vous que j’agis de la sorte ? Il faut être grand, seigneur ou bouffon pour faire son chemin à Versailles ; l'esprit tient lieu de protecteurs et de grands quartiers de noblesse. J’use de ce dernier moyen, et demain vous m’en direz des nouvelles. En effet, dès le lende main, le roi l’accueillit au mieux; il ordonna qu’on lui rendit ses biens, et voulut la présenter lui-même à monseigneur, à ses enfans; il l’admit mê me dans sa chapelle comme uuc véritable duchesse ; et quand son mari...
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
En savoir plus Données de classification - pardieu
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