Extrait du journal

.feuilleton Du ©lobe. LA CHASSE AUX CHIMÈRES PREMIÈRE PARTIE. VII. DON RAFAËL. Nous devons actuellement rétrograder de quelques jours, afin de ra conter ce qui advint à Marguerite, depuis l’époque de son enlèvement jusqu’au moment où ses amis et ses persécuteurs se trouvèrent amenés sur le même terrain par Fenchainenient des circonstances. Lorsqu’elle fut revenue de sa première frayeur et de l’évanouissement qui suivit, la jeune fille demeura plusieurs instans incapable de se rendre compte de ce qui s’était passé. Enfin un vent frais qui soufflait à tra vers la portière et le bruit des roues lui rendirent le sentiment de sa position. Elle lança un rapide coup-d'œil en dehors, pour voir s’il était temps encore d’appeler du secours ; mais déjà la voilure avait passé la porte de la ville et franchissait le dernier pont-levis. La lune dormait dans les eaux marécageuses des fortifications pleine, da roseaux et de né nuphars. Le silence le plus profond régnait aux alentours et n’était inter rompu que par le coassement monotone des grenouilles, antiques ha bitantes des vieux fossés de la ville. Sur le dernier bastion on pouvait distinguer, il est vrai, une des sentinelles de la garnison ; c’était un cui rassier enveloppé dans son grand manteau blanc, et dont le casque étincelait à l’ombre de sa guérite. Marguerite eut un instant la pensée de crier à l’aide ; mais la voiture allait si grand train, et le brave faction naire paraissait si profondément endormi qu’elle comprit bien que cela serait inutile. Elle se résigna donc et se laissa retomber avec découra gement au fond de la voiture, en jetant sur son taciturne ravisseur un furtif regard. Le mystérieux inconnu était confortablement blotti dans son coin, et la lune qui éclairait en partie son pâle et beau visage en laissait voir l’expression. Loin de paraître enchanté de la réussite de son entreprise, il avait la physionomie d’un homme qui s’ennuie profondément et chez 3ui ce fâcheux sentiment est devenu une maladie chronique. Ses yeux emi-fermés erraient sans intérêt sur les objets que la calèche , dans sa course rapide, déroulait devant lui comme un mobile panorama ; en un mot, il semblait avoir même oublié qu’il eût une compagne de voyage. Ce flegme imperturbable imposa tellement à Marguerite, qu’elle n’osa adresser la paro'e à cet étrange personnage : elle le laissa donc embossé dans sa râpe et le chapeau sur les yeux ; puis , se remettant aux mains de Dieu , par une de ces prières mentales comme en trouvent les mal heureux’, elle se promit de guider sa conduite d’après les événemens. La voiture s’arrêta au bout d’une demi-heure devant la grille d’une (1) Voir le Ghbe de 92, 25,94, 2», 28 et 29 novembre^...