Extrait du journal

A ce moment, nous pouvons échanger quelques mots avec un gracié accroupi dans une espèce de cage et dont la têto sort du hublot presque à fleur d’eau. C’est lui qui nous adresse la parole le premier. Il nous demande si la commission de secours est là Sur notre réponse affirmative, il manifeste son contentement et nous dit : Il était temps que nous arrivions ; la chaleur a été ter rible, nous avons beaucoup souffert, la nourriture était de beaucoup meilleure lors du premier voyage. Nous allions lui faire quelques questions, quand nous sommes obligés de faire place au canot du commissaire maritime. Les factionnaires du troisième régiment d’infanterie, qui revient aussi de la nouvelle Calédonie par le “ Var ”, présentent les armes. Le mouvement à bord s’accentue. Tous les hublots sont ouverts. Nous voyons des déportés qui sc dépouillant de leurs haillons et les jettent à l’eau. Des casquettes, du linge en loques flottent dans le port. A 8 heures, le “ Var ” accoste le quai, on fixe solidement le navire au moyen d’une amarre. La foule est immense. Nous atterrissons aussitôt et, grâce à l’obligeance de Mr. François Paims, qui a ses bureaux exacte ment en face de l’endroit où s’opère le dé barquement, nous pouvons installer un poste d’observation d’où nous plongeons nos re gards dans le' bateau. A peine étions-nous à ce poste qu’une vive clameur sc fait entendre. Les déportés qui se pressent maintenant sur l’avant ont poussé les cris de “ Vive la République ! ” UN INCIDENT Pendant que ces cris sont repris par les spectateurs qui affluent sur le quai, on en tend tout à coup une voix qui domine les autres : “ Vive la Commune ! ” Mais ce cri reste sans écho. Immédiatement Mr. Salles sc précipite au milieu des groupes et arrête toute manifestation en parlant aux amnistiés et graciés des fonds qu’ils vont recevoir, des vêtements qu’on va leur distribuer, des. nombreuses souscriptions particulières re cueillies à leur profit. Le calme venait. Il se produit un va-etvient qui met fin aux cris et aux conversa tions. Chacun se prépare à passer devant le représentant du gouvernement. Mr. Salles quitte le bateau. Les seules autres personnes qui eussent été admises à bord jusqu’ici sont les membres de la douane internationale de Cerbère sur la frontière d’Espagne et le commissaire de police de ce même village. On débarque les bagages. La visite de la douane sc a. rapidement. La plupart des déportés ont apporté des malles en bois de Santal. Les camions se chargent et partent pour la gare....