Extrait du journal

Parle, 3 oeSobre. Nous savons bien que lorsque la politique ne donne pas, selon l’expression reçue dans les bureaux de journaux, on voyage en Chine, on perce tous les isthmes connus, et on approfondit le système pénitentiaire. Nous ne pouvons expliquer autrement que par ces nécessités du journalisme l’inopportun et maigre ar ticle que publie aujourd'hui le Journal des Débats sur l’abolition de l’esclavage, ta matière est trop sérieuse cependant pour que nous puissions laisser passer sans réponse même un article de remplissage. Les Antilles françaises ne semblent se rétablir du tremblement de terre que pour fournir un aliment] à l’incendie, et il ne faut pas qu’elles supposent, dans leur détresse, qu’on ac cueille avec faveur ou même avec indifférence des principes et des projets qui tendent à achever leur ruine déjà si avancée. Avant d’examiner la thèse soutenue par les Débats*nous de vons d’abord repousser une supposition admise par lui sans que rien la justifie, ni les faits, ni la raison. Il dit que certains inté rêts (les intérêts coloniaux) préféreraient le silence à la discus sion. Comment peut-on reprocher aux intérêts coloniaux de vou loir étouffer la discussion, lorsqu’ils n’ont cessé de la provoquer, soit dans la presse, soit à la tribune? Jamais intérêts n’ont moins redouté le grand jour que ceux-là. Mémoires, articles de journaux, pétitions, enquêtes, les colons ont essayé de tous les moyens de publicité pour appeler l’attention du gouvernement, des chambres et du pays sur des questions qui, selon eux, n’ont besoin que d’ê tre éclairées pour être résolues en leur faveur. Ce sont bien plutôt leurs adversaires qui ont refusé la discussion; longtemps on s’est borné à repondre aux colons par quelques grands mots vagues,— liberté, philanthropie, christianisme,— qu on avait toujours à la bouche, comme la fameuse phrase du marquis de la Critique de l'Ecole des Femmes. Us ont prouvé qu’ils entendaient la liberté mieux que leurs adversaires, car ils ne la séparaient pas de l’or dre, pas plus qu’ils ne séparaient la philanthropie de la pré voyance et la fraternité chrétienne d’une autorité protectrice. Laissons cette accusation irréfléchie et arrivons au fond de l’article. La question de l'abolition de l’esclavage, disent les Dé bats, peut être abordée de front et en elle-même : on peut aussi rétudier dans la vaste expérience exécutée par l'Angleterre. Le Journal des Débats, qui n’a pas, celte fois-ci, la main heureuse, choisit ce dernier point de vue. Que faites-vous, bon Dieu ! vous pouviez rester dans les déclamations , et vous allez de gaîté de cœur vous briser la tête contre les murs? Selon les Débats, l’émancipation anglaise a prouvé que la race noire était aussi propre au travail libre qu’au travail forcé ; elle a également prouvé que les planteurs n’ont rien perdu à l'éman cipation, soit du côté de la production, soit du côté du prix des sucres. Avant de citer des faits , qu’on nous permette une réflexion. Comment les Débats n’ont-ils pas vu que si ce qu’ils disent était exact, c’est-à-dire si le noir des colonies anglaises s’était montré aussi propre au travail libre qu’au travail forcé, ce serait en con tradiction flagrante avec l’histoire et avec la nature de l’homme. Est-ce qu’il n’est pas hors de discussion que l’homme, dans l’é tat de barbarie, est essentiellement indolent et paresseux, qu’il fuit le travail, et qu’il ne s’y résigne que lorsqu’il y est contraint? Le travail volontaire est Je signe d'une civilisation déjà avancée. Pour prononcer sur la question, on n’a pas besoin de statis...