Extrait du journal
Si l’on excepte une femme patriote, qui fit, en 1793, la motion de tuer tous les hommes au dessus de quarante ans, et quelques tribus des peuplades sauvages de l’Amérique, qui égorgeaient régulièrement les vieillards, il est au fond des mœurs de toutes les nations civilisées d’entourer de respect ceux que de longues années ont en quelque sorte consacrés. Dans les républiques anti ques, tout le monde se levait devant les vieillards; et il n’est pas de cœur assez froid ou assez dur pour n’êtrc pas ému à l’aspect d’une tête blanchie. Si telle est la vénération qu'inspire partout la vieillesse, combien n’est-elle pas plus grande et plus vive, lorsqu’aux longues années s’ajoutent les longs services rendus au pays, et que les rides du front, la courbure du corps et les défaillances de la santé sont autant de souvenirs et de restes des fatigues affrontées pour l’honneur du drapeau ou l’intégrité des frontières '/ Nous voyons avec surprise et avec douleur que le National n’éprouve pas ce respect des longues années et des longs travaux, commun aux âmes bien nées ; et qu’il ait oublié sa propre dignité au point d’oser écrire contre l’illustre maréchal Soult les honteu ses paroles que voici : « Nous avons pou de chose adiré de ce pauvre maréchal, sinon ce que nous avons dit plusieurs fois, qu'il est affligeant do voir un vieillard qui devrait être vénérable venir étaler, comme l’a fait aujourd’hui .M. Soult aux yeux de la France, sa vaniteuse caducité. Nous n’avons pas le cou rage do juger le maréchal : qu’il utile aux Invalides, et volontiers nous ne parlerons plus de lui.» Ne parlez plus, si vous le voulez, de ce glorieux vieillard, qui a vu, à Londres, un million d’hommes se presser autour de sa voilure pour l’applaudir; il n’a pas besoin de vos éloges cl il est au dessus de vos injures. L’histoire parlera de lui et appren dra son nom aux générations futures, mille ans après que vous ne serez qu’un peu de poussière, et que vos noms, à vous tous, seront rentrés dans le néant, d’où vous n’avez pas assez de talent pour les faire sortir. Mais si vous en parlez, parlez-en avec cette déférence dont il n’est permis à personne de s’écarter, quand il s’agit d’hommes aussi illustres, et qui ont aussi légitimement acquis leur illustration. Dans tous les pays, dans tous les temps, les peuples se sont ho norés en consacrant la mémoire des grands capitaines, surtout quand c’était pour le pays qu’ils avaient combattu. Il y en a beau coup dans Plutarque qui n’ont pas autant et aussi glorieusement fait que M. le maréchal Soult. Les Anglais dressent des statues à Nelson mort, et au duc de Wellington vivant ; les démocrates français jettent de la bouc à ceux dont la France a droit d’être hère, et que nos ennemis eux-mêmes ont salués de leurs applaudissemens. Ainsi ont toujours fait les démocraties jalouses à l’é gard de ceux dont la grandeur les humiliait; la démocratie d’A thènes leur ôtait le sel et l’eau; celle de 93 leur ôtait la vie; celle d’à présent voudrait leur ôter la gloire passée. Heureusement la gloire lient plus solidement aux épaules que la tête....
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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