Extrait du journal
la cour royale de Paris, ne sont pas Français? c'était donc trop ridicule, on y a renoncé. O.i a dit ensuite que les habitans des colonies ne contribuent pas aux charges du budget. Aux charges du budget métropolitain, c’esl vrai ; mais pourquoi ? parce que la constitution que la charte a don née aux colonies exige qu’elles aient un budget spécial. Les colons contribuent donc aux charges de leur budget, comme nous contri buons aux charges du nôtre. Le budget des colonies est-il bien considérable ? — 11 est double du budget métropolitain, eu égard à la population. Il est vrai que les colonies ne paient pas les troupes qui les occupent : mais est-ce que la ville de Paris paie sa garnison? est-ce que la ville de Brest paie la Hotte qui est dans sa rade ? Les dépenses de souveraineté sont donc, aux colonies comme sur le continent, à la charge du budget de l'Etat. On a dit encore, et c’est M. Gaulthicr de Rumilly qui a commis ce trait d’esprit, que les colonies ne paient pas l'impôt du sang. Nous avons honte de relever ces pauvretés, mais il faut répondre à tout. Les habitans des colonies ne sont pas sujets au service mili taire, selon le mode usité en France, parce que la constitution don née? aux colonies par la métropole leur impose un service militaire spécial. Les colons servent donc; seulement, ils servent chez eux, au lieu de servir ici. Ce service est-il rude? Vous allez en ju ger. En France, l’obligation du service ne frappe pas un habitant sur mille-, aux colonies, le service militaire frappe tous les habitnn-i; — en France, le soldai lie passe que sept ans sous les drapeaux, et encore est-jl rare qu’il les y passe ; aux colonies, on est sujet au service de la milice de dix-huit à soixante ans. Cette milice est or ganisée comme la troupe de ligne, manœuvre régulièrement, et, en temps de guerre, est mise absolument sur le pied de l’armée. Quant à l'impôt du sang que la milice coloniale a payé, il a rougi tous les ports, toutes les anses, tous les mornes de la Guadeloupe et de la Martinique ; car il est bon d’apprendre à M. Gaulthicr de Rumilly que l’ennemi envahit plus difficilement le sol des colonies que le sol de la France. On a dit pareillement que les colonies avaient l’avantage d’obte nir leur sucre avec des esclaves qui travaillent sans salaire. Pour certaines gens, très attachés à la forme, il parait qu’il n’y a salaire qu’autunt qu’il y a argent payé à l’ouvrier à la fin de sa journée. Pour ceux qui font surtout attention au fond des choses, il y a sa laire toutes les fois qu’il y a rémunération matérielle du travail, sous quelque forme que cette rémunération soit donnée. En France, l’ouvrier agricole reçoit, terme moyen, 1 franc par jour pour son salaire. Sur ce franc, il prend la dépense de sa nourriture, de son vêtement, de son logement, le remboursement de ses frais d’entre tien en bas âge sous forme d’entretien accordé en retour à ses vieux parons, enfin les économies nécessaires pour sa vieillesse. Aux co lonies, le salaire a une autre forme ; l’esclave ne reçoit pas d’argent, mais il en reçoit la représentation sous forme de nourriture, d’ha billement, de logement, de soins de médecin, d’entretien pendant la jeunesse et pendant la vieillesse. Les ouvriers agricoles de France, après avoir prélevé sur leur salaire quotidien la nourriture, l'habil lement, le logement et les soins du médecin, sont-ils en état, avec le reste, de rembourser les frais de leur enfance et de réserver les frais de leur vieillesse ? Non, assurément. Eh bien! les esclaves cou vrent tous ces frais avec un travail moindre en durée et en fatigue que le travail agricole de France ; or, si les esclaves ont les effets du salaire, il doivent avoir la cause de ces effets, à moins qu’il n’y ait des effets sans cause. Enfin, et ceci est plus sérieux, on a dit que la protection étant la base do notre système économique, il n’y avait rien de surprenant à ce que la protection profitât au sucre tic betteraves, comme elle profite aux fers, aux houilles, aux toiles,. aux draps , enfin à tous les produits de notre agriculture et de notre industrie. Lorsque M. Thicrs, auteur de ce raisonnement, le développa de vant la chambre, pendant le discussion de 1840, il n’observa pas assez quel sophisme il accréditait par son talent. Oui, sans doute, la protection fait la base des lois économiques; mais que favorise-ton par des tarifs protecteurs ? les produits français contre les pro duits étrangers ; or, le sucre de betterave et le sucre de canne sont tout aussi français l’un que l’autre; M. Thiers est assez intelligent pour ne l'avoir jamais conteste, et l'on n’a jamais songé à protéger les produits français contre eux-mêmes. Ainsi, à quelque subtilité qu’on ait recours, à quelque subterfuge qu’on s’adresse, on n’arrive jamais à expliquer l’immunité de ta rifs dont jouit le sucre de betterave autrement que comme une odieuse iniquité. C’est un fait brutal, inintelligent, spoliateur, et pas autre chose. La science économique n’a rien à y voir, pas plus que la raison. Les colonies ont été sacrifiées, écrasées au profit de la fabrication du sucre de betterave, parce que des ministres inintelligens ont méconnu l'importance des colonies et du commerce d’exportation, parce que la France avait la force contre des pays lointains, qui n’avaient personne pour faire valoir leurs droits ; en fin, la raison de la F. a îcc a été : quià nominor leo, raison qui les domine toutes. Il y a un dernier motif qu’on a allégué en faveur du (main tien du sucre indigène, en disant que c’était une industrie nationale, une conquête du génie des sciences modernes, toujours active, inte'i'igcnte, progressive; tandis que la sucrerie colonialq était encore enveloppée dans les langes de son maillot. Gela est vrai : la fabrication du sucre de betterave est une indus trie nationale, en ce sens que c’est la nation qui en fait les frais, et avec beaucoup de munificence. La nation paie 14 millions par an ce joujou scientifique. A ce prix-là, on pourrait faire prospérer bien des bévues. Du reste, le mérite de la chimie, appliquée à la produc tion du sucre de betterave, s’est borné à fabriquer à très haut prix ce qu’on fabriquait à très bas prix. 11 n’y a pas de quoi se vanter d’un tel prodige. La sucrerie de betterave, placée^ à côté des capi taux et de la science, a opéré tous ses progrès très rapidement, ce qui n'a servi qu’à mieux établir son impuissance. On sait mainte nant tout ce qu'elle est capable de faire. Dans la discussion de 1840, M. Thiers faisait une belle apologie du sucre de betterave; il disait, ce qui, du reste, n’était j>as exact, que le sucre de canne sc produit à 85 francs le quintal métrique, et celui de betterave ^ 81. Comment...
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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