Extrait du journal
f» "=5 ===== PARIS. 10 DÉCEMBRE. De lu liberté de renseignement. l’uxiversitê. Nous avons suivi avec une douloureuse attention les aflligeans débats qui ont eu lieu, et qui se poursuivent encore, entre l'Uni versité et le clergé. Nous nous trompons, ce n’est pas le clergé, ce n’est pas l’Université qui sont véritablement descendus dans l’arè ne ; quelques tempéramens ariens, quelques esprits trop facilement impressionables, quelques zèles honorables, mais exagérés, voilà ce qui, avec beaucoup d’imprudens et de brouillons, s’est mis en avant de part et d’autre. Loin que l’accord s’ensuivit, l’irritation s’en est accrue ; on a récriminé avec et sans raison des deux côtés ; enfin, le tout a été couronné par un appel comme d’abus, mesure dont, à notre avis, le moindre inconvénient résidait dans son im puissance démontrée et dans son inutilité radicale. On a commencé par compromettre des individus ; on a fini par compromettre le gouvernement : voilà le plus clair et le plus net de l'affaire. Y a-t-il donc, sinon une incompatibilité profonde, du moins une opposition bien tranchée,entre les intérêts sérieux de l’Université et du clergé, dans la lutte que ces deux corps soutiennent ? Pas le moins du monde; et loin de là, l’œuvre de l’un ne peut devenir grande, efficace, accomplie, qu'en se complétant par l’œuvre de l’autre. L’Université fera que le clergé deviendra plus savant, le clergé fera que l’Université deviendra plus morale : la civilisation a donc un égal besoin de l’un et de l’autre ; et la raison doit réu nir ce que des accusations exagérées ont séparé. Non, et il faut être juste quand ou est éclairé, car autrement à uoi serviraient les lumières? non, l’Université n’est pas un foyer e pestilence ; non, l’Université n’est pas une école ouverte aux vi ces du cœur et aux erreurs de l’esprit ; encore une fois, il faut être juste ; et dix professeurs athées, s’ils existaient, ne devraient pas plus être la condamnation de l’Université, que dix prêtres apostats, si on les trouvait, ne devraient être la condamnation de l’Eglise. Dieu lui-même choisit douze apôtres, et il y eut un traître ; et sur trois mille professeurs que nomme le grand-maître, vous ne voulez pas tolérer qu’il se trouve un mauvais esprit 1 Soyez donc raisonnables; souvenez-vous que vous êtes hommes, et n'exigez la perfection que de Dieu. Non, l’Université n’a pas des doctrines arrêtées contre la religion et contre la morale : savez-vous pourquoi? C’est parce que l’Univer sité n’a pas des doctrines, et ne saurait en avoir. Qu’est-ce que l’Université? un corps de libres penseurs, courant, chacun selon ses forces, selon ses instincts, selon ses prédilections, l’un après la littérature, l’autre après l’histoire, celui-ci après la philosophie, celui-là après la science. Dans cette Université, qu’on représente unie et compacte contre les principes du christianisme , on trouve des systèmes en littérature, des systèmes en histoire, des systèmes en philosophie. Il n’y a pas douze ans, sous M. Cuvier et M. Geoffroy Saint-Hilaire, nous y avons vu des systèmes en ana tomie; et, ce qui est autrement fort, sous M. Poinsot et M. Poisson, nous y avons vu des systèmes en algèbre. L’Université n’a donc pas un corps de doctrines ; et elle ne sau rait jamais en avoir, puisque la libre investigation des faits et des idées est le fondement de sa constitution. Etudier chacune des spé cialités dans lesquelles se ramifient ses études , vous trouverez par tout la division, la lutte, l’individualisme, enfin tout ce qui a fait donner à la société des lettrés et des savans le nom de république. En littérature, les vieux classiques y sont envahis déjà par les jeunes romantiques; en histoire, chaque homme y a sou système : celui de M. Thierry n’est pas celui de M. Michelet; celui de M. Michelet n’est pas celui de M. Lacretelle. Pour la philosophie, c’est pire encore. Croyez-vous que M. Cousin, l’homme le plus éminent, depuis Malebranche, qui ait traité en France les matières philosophiques, qui a autant d’analyse que Condillac, avec beaucoup plus d’ampleur et d’élévation dans la pensée, soit l’inspirateur de toutes les chaires philosophiques établies parmi nous? pas le moins du monde. Dans...
À propos
Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.
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