Extrait du journal
vons pour ceux qui n ont rien, nous à qui le superflu est si largement départi ? La flamme claire du foyer, l’hiver ; la tiédeur du lit dans une chambre close ; l’espace considérable réservé dans les demeures des riches au luxe des fêtes, et qui servirait de vaste asile à des fa milles entières, parfois sans gîtes ou entassées dans des logis immondes, me semblent des biens dérobés à ceux qui ne peuvent ni se chauffer ni s’abriter suffisamment. Comment échapper à l’angoisse de cette pensée : Pourquoi ces biens à moi ? Pourquoi le dénuement, avec tout ce qu’il comporte de souffrances et d’ab jection matérielle, pour d’autres ? Que la nature soit responsable de l’iné galité de répartition des biens, ce n’est pas une raison suffisante à nous con tenter. Que l’abondance de ces biens matériels, permettant à ceux qui la pos sèdent une culture plus raffinée d’euxmêmes et le développement d’une vie intérieure plus intense, soit l’occasion de maux dont le tourment aigu est in connu des pauvres, cela est vrai, je crois. Mais ce n’est pas une raison pour que les riches s’adonnent à la tranquille jouissance de cette abondance, sans songer à prélever sur leur part celle des déshérités. Le devoir de charité est donc bien évident. Comment le remplir, dans quelle mesure, par quels moyens les mieux choisis ? La difficulté commence ici. Car le socialisme, c’est-à-dire le par tage égal des biens matériels entre tous les hommes, est une utopie. En admet tant que le bon vouloir unanime ou une force violente réalise un jour cette uni formité dans la richesse ou plus vrai semblablement dans la miscre, qui nous répondrait que cette uniformité durerait plus d’une heure? Le lendemain, la lutte pour la vie s’engagerait, féroce, meur trière. Ou le succès resterait d’abord aux instincts sauvages les mieux armés, ou, plus tard, l’intelligence reprendrait ses droits en dégageant de ce retour à l’homme des cavernes une humanité variée, policée, hiérarchisée dans un classement des forces, des aptitudes, des biens acquis sur autrui. L’inégalité des conditions est donc fa tale et conforme à la nature. Elle aide à la division du travail sans laquelle la tache multiple de l’humanité ne pourrait être accomplie. La marche vers un progrès indéfini de la pensée et de la science, le renouvel lement des sources de l’art et de la poésie ne sont possibles que si quelquesuns sont déchargés sur d’autres du far deau des besognes qui ont pour objet l’entretien de leur vie matérielle. Grâce à cette variété des tâches, le patrimoine commun peut se maintenir intact et s’ac croître. Mais cela ne veut pas dire : d’un côté, misère lourde, outrageante ; de l’autre, luxe effréné, corrupteur à la fois de ceux qui en jouissent et de ceux qui en sont les témoins. Il y a là un excès inique...
À propos
Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.
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